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A DEUX C'EST MIEUX

  • Photo du rédacteur: Philippe Broda
    Philippe Broda
  • 4 oct.
  • 4 min de lecture

S’opposant à la réunification allemande, François Mitterrand s’était justifié ainsi : «  J’aime tellement l’Allemagne que j’en souhaite deux ». Et si l’Etat juif, certes minuscule mais miné par les dissensions se divisait en deux ? Rien qu’imaginer le visage des antisémites, tenus désormais de haïr deux Etats au lieu d’un, vaut en soi l’évocation de l’hypothèse. Plongeons-nous dans le passé.


Les archéologues sont en désaccord sur le récit biblique : quelle est la part de vrai et quelle est la part d’interprétation à des fins apologétiques ? Sans prendre position, reportons-nous au texte qui résonne étonnamment à nos oreilles par les temps qui courent. Le royaume d’Israël atteint son apogée avec le règne de Salomon. Lorsque son fils Roboam lui succède, les tribus sont réunies pour lui prêter allégeance. Sous l’impulsion d’un certain Jéroboam, des doléances sont exprimées : le peuple réclame moins d’impôts et moins de corvées. Le roi refuse de céder. Dix des tribus font sécession et suivent Jéroboam pour fonder le royaume du Nord ou royaume d’Israël. Restées fidèles à Roboam, les deux dernières tribus forment le royaume de Juda. Les réalisations du royaume du Nord dans la construction et l’économie sont reconnues. Les plus admiratifs prétendront que l’absence de câbles prouve qu’Israël avait déjà inventé le Wi-Fi. Quoi qu’il en soit, ce royaume est de taille largement plus imposante que son petit frère, lequel est pauvre et moins développé. Ballotés entre les puissances environnantes – Egyptiens, Assyriens… - les deux royaumes sont extrêmement fragiles.


Lequel des deux royaumes a entièrement disparu ? Eh bien, contre toute probabilité, c’est celui du Nord qui a été rayé de la carte. Le sort des dix tribus demeure à ce jour un mystère. Il est très plausible qu’une partie d’entre elles ait trouvé refuge dans le royaume frère puisque la population de celui-ci a quasiment doublé à la même époque. Quoi qu’il en soit, le rescapé a été le frêle Juda et, malgré les vicissitudes de l’Histoire, il est toujours vivant. Aussi peu évolué ait-il été sur le plan matériel, c’est sa version des événements qui nous est parvenue. Sans tomber dans une lecture mystique, il apparaît que la tradition juive a mis en exergue d’autres qualités qu’un haut niveau technologique pour assurer la survie du peuple. La polarisation actuelle de la société israélienne entre les « tout sauf Bibi » et les « rien que Bibi » évoque à bien des égards le schisme ancien entre Israël et Juda. La déchirure est si profonde que le rétablissement de l’unité du peuple est loin d’être assuré une fois que Benjamin Netanyahou aura quitté l’arène politique. Comment réconcilier l’élitiste Tel Aviv, individualiste et imbue de high tech avec une périphérie plus solidaire et authentique mais assurément moins sophistiquée ?


Le risque de fanatisme n’est pas un critère de différenciation entre les deux camps. Spontanément, les religieux messianiques laissent craindre davantage une telle dérive. Pourtant, les militants les plus excités du camp d’en face n’ont pas grand-chose à leur envier en termes de sectarisme. Ce qui les sépare essentiellement renvoie à la relation à autrui. Le 7 octobre, la majorité des citoyens qui ont tout laissé en plan et ont foncé pour essayer de secourir les citoyens du Sud totalement laissés à l’abandon par des dirigeants incompétents appartenaient à la périphérie. Beaucoup étaient des sionistes religieux, certains étaient des militants de gauche mais, pour la plupart, ils résidaient dans des localités de dimension modeste. Au même moment, un artiste tel avivien filmait son 7 octobre pour le diffuser sur les réseaux sociaux : moi et les alertes, moi et la télévision, moi et mes disputes avec ma femme enceinte, moi et les courses… Plus nombriliste, tu meurs. Ce feuilleton a tenu en haleine les bobos de la ville blanche. C’est tout le décalage. L’origine géographique des soldats tombés à la guerre le confirme. Les habitants de la périphérie sont surreprésentés, comme si une adresse à Tel Aviv pouvait servir de gilet pare-balles.

 

Le nouveau royaume d’Israël hériterait de la bande côtière. Semblable à un cluster de start-ups, il serait protégé par une brillante armée de l’air et des unités de renseignement encore plus subtiles qu’elles ne l’étaient le 7 octobre. Temple du libéralisme, il tolérerait certes de terribles inégalités économiques mais offrirait un raffinement exquis dans les restaurants branchés de Tel Aviv, enfin pour ceux qui en auraient les moyens... Dans ce schéma post sioniste, le monde des kibboutzim, même nouvelle mouture, peinerait à trouver sa place. Il finirait par basculer dans le nouvel Etat de Juda à condition que celui-ci ne succombe pas à l’obscurantisme religieux. Le 7 octobre, les sionistes religieux, les sauveteurs, et les habitants des kibboutzim de l’enveloppe de Gaza se sont découverts. Ces deux peuples qui se détestaient ont commencé à s’apprécier. Il y a du chemin encore mais imaginons qu’ils s’entendent pour constituer un Etat sioniste plus égalitaire, plus juste moralement, plus humus-pita et cueillette des oranges, avec des unités de blindés et d’infanterie pour le défendre. Moins clinquant mais porteur de valeurs juives, ses chances de survie à terme seraient significativement plus élevées. Bis repetita ?      

 
 
 

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