A GAZA, ON N'A PAS DE PETROLE MAIS ON A DES IDEES
- Philippe Broda
- 29 sept. 2024
- 4 min de lecture
Après tant d’années de désinvolture, l’Etat d’Israël a décidé de faire ce qu’il aurait dû faire depuis longtemps, c’est-à-dire mettre le Hamas hors d’état de nuire. D’un point de vue logique, il est d’ailleurs difficile de reprocher à Benjamin Netanyahu d’avoir permis au Hamas de se renforcer et de prétendre, même après le 7 octobre, que la guerre contre le Hamas n’était pas souhaitable.
Dès le lendemain du massacre, le concert des nations a fait savoir au peuple d’Israël qu’une réplique militaire serait particulièrement mal venue. Pour tirer pleinement profit du capital sympathie qu’il avait engrangé à la suite des horreurs commises par le Hamas, il était prié instamment de ne pas réagir trop violemment. C’était une condition sine qua non de la préservation de cette compassion. Les Israéliens récupéreraient leurs otages en acceptant de vider leurs prisons engeôleuses de milliers de Yahya Sinwar en puissance. Pour le reste, les choses finiraient bien par s’arranger plus tard, même si l’on ne savait pas trop comment, ni pour qui. Il était visible qu’Israël était déstabilisé, remué, en colère. Il ne fallait surtout pas que le Juif vengeur, créature impitoyable sans une once d’humanité, resurgisse des profondeurs du passé. Du « œil pour œil » de la Bible à Shylock, inflexible « marchand de Venise » qui réclame une livre de chair pour épancher sa soif de vengeance, les Juifs avaient toujours eu une détestable réputation. Pourquoi prendre le risque de réactiver un des plus anciens poncifs contre eux ? C’était l’occasion idéale pour ces éternels accusés de se refaire une virginité.
Les victimes civiles palestiniennes ont ensuite été la preuve que le recours à la guerre n’était pas la bonne option. Le président de la République française, toujours aussi macronesque, l’avait formulé à la perfection, exhortant avec une feinte innocence les Israéliens de « cesser de tuer des femmes et des enfants à Gaza ». Il est exact que quasiment toutes les guerres provoquent leur lot de « dégâts collatéraux » et c’est encore plus vrai quand l’agresseur tire depuis des zones densément peuplées à seule fin de stigmatiser la réplique de son ennemi. Le « dégât collatéral » devient en fait un actif stratégique. Qu’importe, le blâme retombe sur celui qui se défend. On ne sait pas trop si, au bout du compte, la conclusion à tirer est que la guerre est à bannir une fois pour toutes ou, à plus long terme, si les Juifs ne devraient pas décamper de cette région du monde dans laquelle ils ne sont pas aimés de tous leurs cousins. Parmi les donneurs de leçons, il y a des militants qui possèdent un agenda politique mais il n’est pas certain que tous ceux qui vocifèrent contre Israël mesurent les implications de leur discours. En tout cas, comme ce sont de bonnes personnes, il serait malséant de les forcer à trop y réfléchir.
L’explosion des beepers des membres du Hezbollah, pas moins terroristes que leurs alliés du Hamas, a constitué un moment grandiose dans la critique anti-israélienne. Comme à l’accoutumée, Le Monde et France Inter s’en sont donné à cœur joie. Ambiance pastorale dans votre salon. La vie était merveilleuse. Les rues exhalaient des odeurs de fleurs et de glace à la vanille. Les enfants gambadaient et chantaient. Les femmes étaient belles. Soudain, boum ! Benjamin Netanyahu frappa. Coquin de sort ! Pourtant, au regard du ratio nombre de terroristes neutralisés-nombre total de victimes, la réussite de l’opération avoisinait apparemment les 98-99 % ... mais pas d’applaudissement. Et quand les violons ne suffisent pas, d’éminents juristes sont convoqués. Guerroyer avec des objets à usage domestique – rouleaux à tartes, ballons de football ou pinces à linge – est un crime de guerre, clament-ils. Il faut se battre avec de vraies armes, des pistolets à balle et pas à eau. Un outil de communication permettant à des terroristes de passer à l’acte n’est pas à usage militaire. C’est en tout cas l’avis de ces experts en droit… de la fermer peut-être ?
L’étape suivante consiste à prétendre que, même si les Israéliens s’accrochent à leur dureté, ils n’obtiendront pas la neutralisation du Hamas parce que le Hamas est une idée et qu’on ne combat pas une idée avec des armes. C’est beau comme un camion mais reste assez problématique. Tout d’abord, précision sémantique, le Hamas n’est pas une idée mais une organisation qui professe des idées, une idéologie. Plus essentiel, comment combattre une idée ? Eh bien, quand la guerre fait rage, le but est d’éliminer le maximum de porteurs des idées du camp d’en face. Sinon quel intérêt y aurait-il eu à combattre le nazisme ? Churchill and co se sont-ils conduits comme des imbéciles ? Non, évidemment. Ils ont porté des coups terribles aux partisans d’Hitler. L’extrême-droite a presque disparu des radars occidentaux pendant plusieurs décennies. Elle revient mais nous avons eu la paix un temps. L’objectif est d’arriver à un résultat proche avec le Hamas. Al Capone avait dit qu’on parvient à des meilleurs résultats avec des mots gentils et une arme qu’avec des mots gentils uniquement. Gandhi avait recommandé aux Juifs la stratégie de la défense passive face au nazisme. Qui avait raison ?
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