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BENNY OUI OUI

  • Photo du rédacteur: Philippe Broda
    Philippe Broda
  • 11 janv.
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 12 janv.

Qu’il y a-t-il de pire qu’un Juif communiste qui trahit la cause ? Un Juif communiste qui trahit la cause et renoue avec ses origines. Qui y a-t-il de pire qu’un Juif qui trahit la cause et renoue avec ses origines ? Un Juif qui trahit la cause et renoue avec ses origines par un retour à la religion, l’opium du peuple selon le communisme. Benny Levy relève de ce cas de figure. Et même pire…

Benny Levy n’était pas un militant lambda. Sous le nom de Pierre Victor, il fut le chef charismatique et adulé des militants de la Gauche Prolétarienne, organisation d’extrême-gauche d’obédience maoïste créée en 1968. Responsable de son auto-dissolution en 1973, Levy alias Victor lui évita de basculer dans la violence politique à la manière de la Bande à Bader en Allemagne ou des Brigades Rouges en Italie. Cette conscience de l’impasse à laquelle conduisait l’idéologie révolutionnaire le fit également rompre avec le mouvement. A la suite d’un cheminement intellectuel qui dura plusieurs années, il devint un Juif orthodoxe, portant kippa et consacrant ses journées à l’étude de la loi juive et à la pratique des commandements. Dans cette transition de Mao à Moïse, c’est-à-dire d’une radicalité, d’une vie ne laissant pas de place à des compromis, à une autre, Jean-Paul Sartre a joué un rôle considérable. La rencontre entre le philosophe alors d’âge plus que canonique, figure emblématique du progressisme, et le jeune dirigeant de la Gauche Prolétarienne, a été féconde. Elle a débouché sur une évolution des deux hommes dans des directions surprenantes.


En 1970, année du premier contact, la pensée sartrienne n’est plus à la mode. Les courants d’extrême-gauche s’appuient désormais sur le structuralisme. Pourtant, Jean-Paul Sartre reste une icône qu’il convient de ne pas abîmer. C’est pourquoi la publication de L’espoir maintenant dix ans plus tard déclenchera un véritable tollé dans les cercles progressistes. Dans cette série d’entretiens où il n’est pas ménagé par Benny Levy, une inflexion est observée chez Sartre sur de multiples thématiques. Au contact de celui qui est devenu son secrétaire particulier, le grand homme est notamment amené à amender sa célèbre thèse sur la question juive, laquelle datait de l’immédiat après-guerre. A cette époque, Sartre visait à décortiquer les ressorts de l’antisémitisme qui venait de provoquer un génocide. Selon lui, c’était le regard d’autrui qui définissait le Juif. Son propos mettait ainsi l’accent sur la responsabilité de l’antisémite établissant un parallèle avec le racisme anti-Noir qui était le problème des Blancs. La position était originale mais, en raisonnant de la sorte, Sartre occultait un aspect essentiel du sujet, à savoir la spécificité juive, la loi juive, le message juif. Ce qu’il allait corriger.


Cette révision comme d’autres clarifications était insupportable pour les proches de Sartre qui mirent au point une redoutable machine de guerre pour exclure l’ouvrage scandaleux du canon sartrien. L’intelligentsia parisienne fut évidemment mobilisée pour la circonstance. Benny Levy était purement et simplement accusé d’avoir commis un « détournement de vieillard ». Malgré les protestations de Sartre qui, sentant l’atmosphère se tendre autour de lui, expliquait à qui voulait bien l’entendre qu’il n’était pas encore gâteux, ce narratif s’imposa sans réelle difficulté. Il ne pouvait en être autrement. Qu’un Juif vienne ébranler les fondements du progressisme rendait la situation encore plus intolérable. Sacrilège ! Précisons que le Juif en tant que tel n’est pas détesté par le progressiste. C’est le Juif judaïsé, ici Benny Levy, qui est l’objet de sa détestation. Le suppôt du progressisme n’a aucun souci avec un Juif déjudaïsé, en l’occurrence Pierre Victor, et encore moins s’il s’en prend avec virulence aux autres juifs. De ce point de vue, la différence avec l’extrême-droite, qui ne connaît pas ce type de distinctions, est patente. Pour elle, c’est l’ensemble du peuple juif qui est condamnable.

Dans un livre remarquablement documenté, Laurent Touil-Tartour s’est efforcé de démonter, on n’ose écrire déconstruire, l’argumentaire progressiste à propos de Sartre. Non, le vieux maître n’a pas été victime d’un manipulateur machiavélique. Une illustration : avant d’ouvrir ses colonnes aux échanges entre Sartre et Lévy, Jean Daniel, le directeur de l’hebdomadaire Le Nouvel Observateur, s’était entretenu avec le premier – pour constater qu’il avait bien toute sa tête. Dans cette amitié intellectuelle singulière où il est difficile d’imaginer que la relation entre les deux hommes n’ait pas reposé sur un minimum de réciprocité, c’est même plutôt l’influence de Sartre sur Benny Levy qui mérite d’être soulignée. A partir de sa nouvelle compréhension de la judéité, il a poussé son secrétaire particulier à creuser la piste de ses origines. L’engagement définitif de Levy dans la voie juive l’atteste. Le témoignage de la fille adoptive de Sartre, Arlette Elkaïm-Sartre, corrobore ces éléments. Dans cette querelle sur l’héritage de Sartre, sa compagne Simone de Beauvoir ne ressort pas grandie. Disons qu’on ne nait pas vieille mégère aigrie, on le devient.

 
 
 

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