DEMAIN EST UN AUTRE JOUR
- Philippe Broda
- 12 juil.
- 3 min de lecture
La perspective d’un cessez-le-feu à Gaza a ravivé le débat sur le jour d’après. Même Benjamin Netanyahou, qui s’est toujours refusé à aborder la question, commence à s’y intéresser. C’est dire. Quelle est la solution ? La recherche de la panacée s’apparente à une sorte de concours Lépine où des idées parfois saugrenues sont exposées avec un admirable aplomb. En voici un florilège.
Le projet de Riviera de Donald Trump a estomaqué tout autant que choqué. Il s’agit d’une remarquable illustration des ravages que la « folle du logis » est susceptible d’occasionner – la « folle du logis » n’étant pas ici le Président des Etats-Unis mais l’imagination, selon la formule de Malebranche. Dans toutes ses moutures, avec ou sans Palestiniens à Gaza, la perspective a fait long feu. Même son promoteur semble l’avoir abandonnée. Ce ballon d’essai lui a montré que les vents ne lui étaient pas favorables. Du côté du gouvernement israélien, les ministres d’extrême-droite réclament de façon totalement décomplexée l’annexion de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. C’est par ce type de délire que l’irrationnalité de nombre d’acteurs dans le région ressort le mieux. En effet, si les Arabes des territoires annexés devenaient des citoyens israéliens, ils seraient autorisés à voter. Avec l’évolution démographique, ils seraient majoritaires dans le pays dans quelques décennies et pourraient ainsi décider d’abolir le caractère juif de l’Etat d’Israël. Que des Juifs ultra nationalistes le proposent et que les Palestiniens poussent des cris d’orfraie plutôt que d’en profiter est hallucinant.
Le pendant à gauche de la vision trumpienne est la revendication palestinienne d’une Palestine libre, « du fleuve à la mer ». Elle réunit dans une alliance hétéroclite les communistes, les islamistes, les LGBTQIA+ et les décoloniaux – la cause palestinienne incarnant à cet égard le décolonialisme ultime, absolu, universel. Cette mouvance trouve de puissants relais en Europe où les élites, non contentes de pouvoir nazifier les Juifs, souhaitent s’attirer les bonnes grâces de leurs minorités arabo-musulmanes issues de l’immigration. Le sentiment d’appartenance au camp du bien autorise les prises de positions les plus immondes. Bref, Israël est un abcès qui doit disparaître. De leur côté, les Palestiniens les plus réalistes sont conscients que ces fantasmes mènent à une impasse. Les résultats de la guerre, malgré le très prometteur 7 octobre, en témoignent. Wadee al Jaabari ainsi que d’autres cheiks de Hébron ont récemment proclamé leur intention de reconnaître l’Etat d’Israël en faisant sécession de l’Autorité palestinienne qu’ils jugent sclérosée. De cette manière, l’Emirat de Hébron devenu indépendant rejoindrait les accords d’Abraham et bénéficierait d’un environnement économique prospère.
Hélas, cette solution n’est probablement pas praticable. Certes, la Palestine a longtemps été un territoire morcelé, partagé entre des potentats locaux. Pour avoir amorcé au dix-huitième siècle une esquisse d’unification, le cheik Zahir al Umar est présenté de façon anachronique comme un précurseur du mouvement nationaliste actuel par nombre d’historiens palestiniens. C’est paradoxalement l’arrivée des sionistes au siècle suivant qui a mis en sourdine ces querelles de clocher. En ce sens, un retour en arrière paraît impossible. Pourtant, il est dommage que le gouvernement israélien n’ait pas saisi la balle au bond pour prouver à la communauté internationale que le principe « paix contre territoires » est toujours valable à ses yeux. Il a prouvé à plusieurs reprises qu’il était inspiré par la maxime « diviser pour mieux régner », en favorisant l’essor du Hamas contre l’Autorité palestinienne, puis en soutenant en ce moment le gang d’Abou Shabab contre le Hamas à l’intérieur de la bande de Gaza. Alors, bien que les cheiks de Hébron comptent peu, pourquoi Bibi Netanyahou ne leur a-t-il pas déroulé le tapis rouge d’un point de vue symbolique ?
L’initiative A Land for All mérite aussi d’être mentionnée. La confédération à deux Etats qu’elle prône vise à faciliter aux Palestiniens l’acceptation de la présence juive. Leur nationalisme s’est construit en miroir du sionisme, avec en point d’orgue le « droit au retour » des réfugiés qui est une déclinaison de la « loi du retour » d’Israël. Autoriser les Palestiniens à s’y installer sans leur attribuer de droits politiques permettrait de satisfaire leur aspiration à un retour sans pour autant diluer le caractère juif de l’Etat. Avec un zeste de mauvais esprit, on peut s’interroger sur ce qui pourrait pousser des Arabes à choisir de vivre dans un Etat d’apartheid. En fait, comme ils bénéficieraient de tous les autres droits – protection sociale, salaire minimum, liberté d’expression…–, bien peu d’Arabes opteraient pour l’Etat arabe. L’argument selon lequel les Palestiniens utilisent déjà la monnaie israélienne est plutôt léger pour attester d’un début d’intégration économique. C’est même le fossé entre les conditions socio-économiques des deux entités qui condamne le projet. Après ce mini tour d’horizon, on a beau dire mais, si l’on veut rêver à la paix, la formule « deux peuples, deux pays » n’est pas près d’être dépassée conformément au proverbe « chacun chez soi et les moutons seront bien gardés ».
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