DOMINO MINETTE
- Philippe Broda
- 7 déc. 2024
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 8 déc. 2024
Le Hamas espérait que le tremblement de terre du 7 octobre conduirait à des répliques et, à certains moments, Israël a effectivement dû batailler sur sept fronts. La communauté internationale craignait alors que la situation ne dégénère en guerre régionale. Le cessez-le-feu entre le Hezbollah et l’Etat juif marque-t-il un retour au calme ou l’apparition de répliques inattendues ?
Dès le 8 octobre 2023, le Hezbollah commençait à bombarder Israël. A défaut de se joindre à la fête, le « Parti de Dieu » manifestait sa solidarité avec le Hamas. On pourra toujours se demander ce qui se serait passé si les deux organisations terroristes avaient attaqué simultanément mais, comme ce projet était justement à l’ordre du jour, le fait que le Hamas se lance seul dans l’aventure a contribué à duper les services de renseignement israéliens. C’était le prix à payer pour bénéficier d’un plein effet de surprise. Les déclarations de Nasrallah les jours suivants ont témoigné de la frustration du Hezbollah qui, lui, ne profiterait pas d’une frontière passoire – Israël ayant compris depuis que des gadgets de surveillance ne pouvaient se substituer à des soldats. Cette guerre d’usure, qui dura plusieurs mois, a coûté à l’Etat hébreu quelques dizaines de morts, 60 000 personnes déplacées et le nord du pays devenu un champ de ruine. Les tentatives de conciliation de l’intermédiaire américain Amos Hochstein échouèrent. Indépendamment des autres contentieux comme le litige sur les fermes de Shebaa, le Hezbollah avait posé la fin des combats à Gaza comme préalable à son arrêt des tirs sur Israël.
Même si certains ministres souhaitaient une réaction plus rapide et plus musclée, Israël ne s’est pas précipité tête baissée au Liban, échappant ainsi au piège que le Hezbollah lui avait tendu en cas d’incursion avec des blindés en mode rouleau compresseur. Contrôlant le tempo, l’Etat juif est monté progressivement en puissance. Entre l’explosion des beepers, des talkies walkies, l’élimination de ses principaux dirigeants et la destruction de nombreux entrepôts d’armes, le Hezbollah s’est trouvé complètement désorganisé. Le déclenchement d’une offensive terrestre à portée limitée a ensuite permis de détruire les tunnels et bases militaires de l’organisation chiite qui jouxtaient la frontière. L’infanterie pavait la voie aux blindés – ce qui a réduit les pertes humaines. Cette fois, le Hezbollah a préféré mettre les pouces. Bien sûr, toutes les revendications israéliennes n’ont pas été satisfaites mais le plus important a été obtenu, c’est-à-dire une déconnexion totale entre la situation au Liban et à Gaza. C’est surtout cette concession, avec l’assentiment de l’Iran, qui prouve la défaite du Hezbollah.
Un retour au calme en résultera-t-il ? Sur le front sud, le refus du gouvernement Netanyahu de réfléchir au « jour d’après » est un véritable problème. Le Hamas, saoulé de coups et isolé, pourrait être ouvert à un compromis mais Bibi l’entendra-t-il ? Le retour des otages est à ce prix. Sur le front nord, tout dépendra de la détermination d’Israël à sanctionner la moindre micro-violation de l’accord de la part du Hezbollah, cela pour éviter de constater que, de glissement en glissement, les combattants du Hezbollah ne s’installent à nouveau à la frontière entre les deux pays. A cet égard, malgré les cris d’orfraie de la France qui est partie au mécanisme de surveillance du cessez-le-feu, la garantie que les Etats-Unis ont donnée à Israël est plutôt rassurante. Si le Hezbollah ne parvient pas à reconstituer sa capacité de nuisance au sud du fleuve Litani, il y aura matière à optimisme. Cependant, ce n’est pas pour autant qu’on en aura terminé avec les conséquences du séisme provoqué par le Hamas il y a plus d’un an. L’onde de choc vient d’atteindre la Syrie avec la conquête éclair de la ville d’Alep par des opposants islamistes sunnites.
Que Bachar el-Assad soit un criminel qui a gazé son propre peuple n’a pas empêché les progressistes de chanter « Alaouite, gentil Alaouite, je te soutiendrai ». Mais, s’il est resté si longtemps au pouvoir, c’est surtout grâce à l’assistance de la Russie ainsi que celles du Hezbollah et de l’Iran, l’arc chiite. Les rebelles ont jugé que la Russie et le Hezbollah étaient tellement affaiblis par leurs guerres respectives qu’ils seraient moins en mesure de freiner leur avancée. Ils ne se sont pas trompés. Il est dommage pour Israël que cet épisode de la guerre en Syrie ne se soit pas prolongé. Des ennemis jurés qui ne pensent qu’à s’entretuer est toujours une bonne chose. La victoire éclair des rebelles inquiète l’Etat juif pour le coup. Quelles seront les intentions de ces fanatiques religieux ? Certes, à la différence des chiites, les islamistes sunnites, hors Hamas, sont à ce jour plus obsédés par l’Occident que par Israël où peu d’attentats ont été commis par Al Qaïda ou Daesch. Peut-être d’ailleurs les Européens vont-ils se remettre à trembler. Ce n’est toutefois pas le propos. Le fait est qu'un point d’interrogation demeure pour Israël. Et puis ce n’est pas fini. Une réplique de plus du 7 octobre est envisageable. Si le Hezbollah est réellement exsangue, qui dit que la guerre civile ne repartira pas au Liban ? Rien ne va plus, messieurs dames, les jeux sont faits.
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