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EPRIS DE PRIERES

  • Photo du rédacteur: Philippe Broda
    Philippe Broda
  • 1 sept. 2024
  • 4 min de lecture

Le jour des élections européennes, le citoyen français a dû se prononcer entre une quarantaine de listes. Eh bien, pour accéder à la vie éternelle, les Juifs religieux en Israël disposent de deux à trois fois plus d’options. Cette diversité n’empêche pas tous ces courants d’être l’objet d’un feu nourri de critique de la part des laïcs depuis le 7 octobre. Leur exemption de service militaire insupporte.

Excluons du périmètre les religieux sionistes : ils ne sont pas sur la sellette. Certes, ils se sont politiquement droitisés depuis la Guerre des Six jours mais ceci est un autre sujet. L’essentiel ici est qu’ils acceptent sans sourciller d’accomplir leurs obligations militaires. Ce n’est pas le cas des non sionistes qui s’y opposent. Pour eux, l’existence d’Israël est accessoire et le service militaire une perte de temps. Quant aux antisionistes, qui militent carrément pour la disparition de l’Etat, ils sont évidemment encore plus réfractaires. Ce vaste ensemble de haredim (craignant-Dieu) englobe les hassidim (pieux), moins éduqués, caractérisés par une ferveur imprégnée de mysticisme et le rôle du chef – à chaque maître, sa chapelle, si l’on peut dire – et les mitnagdim (opposants), qui privilégient la connaissance des textes et l’érudition, aristocratie d’origine lituanienne. Ces deux branches étant nées en Europe au dix-huitième siècle, il faut en ajouter une troisième, les Juifs religieux orientaux, lesquels ont adopté les codes vestimentaires des Européens (redingote noire, etc). Les distinctions historiques entre ces trois groupes tendent à s’estomper et tous considèrent que l’étude juive prime face au devoir de porter les armes. Les plus bienveillants sont prêts à prier pour les soldats mais guère plus.


A l’unanimité, la Cour suprême israélienne vient de mettre un terme à l’exemption de service militaire pour les jeunes haredim que les partis religieux avaient négociée en contrepartie de leur participation à la coalition gouvernementale. Les magistrats ont décrété que l’exécutif n’avait « pas l'autorité pour ordonner de ne pas appliquer la loi sur le service militaire ». Cette rupture d’égalité devant la loi est considérée comme d’autant plus problématique que les Israéliens ont compris depuis le 7 octobre que les gadgets technologiques étaient loin de suffire pour surveiller les frontières et mener une guerre. Il y a aussi besoin de soldats. Beaucoup de soldats. Il a ainsi déjà été entériné que, désormais, les citoyens passeront plus de temps sous les drapeaux. Leurs périodes de réserves annuelles seront allongées et dureront jusqu’à un âge plus avancé. La charge doit être mieux partagée à l’intérieur de la population. Un renfort de plusieurs dizaines de milliers de religieux permettraient de bien soulager ceux qui sont habitués à contribuer à l’effort national. La croissance démographique explosive des orthodoxes renforce l’argument même si de plus en plus de jeunes religieux s’émancipent de leur milieu d’origine – d’où une blague : ce sont les femmes religieuses qui fabriquent le plus d’enfants laïcs.


Mise en perspective, l’attitude actuelle de ces factions religieuses interroge. Tout en insistant sur  l’importance de l’étude, les textes sacrés prescrivent en même temps de travailler. L’exemple de Rachi, célèbre rabbin du Moyen Age, en témoigne. Ses activités religieuses ne l’ont pas empêché d’être vigneron même si ses pages de commentaires de la Bible et du Talmud ont laissé plus de traces que les cépages de ses vins. Il est vrai qu’une tradition a fini par s’instaurer au fil des siècles. Les Juifs religieux qui résidaient à Jérusalem étaient entretenus par leurs frères de diaspora. Le versement de la halouka leur permettait de subvenir à leurs besoins. En un sens, ils représentaient les Juifs du monde entier. Ces hommes pieux étaient des cas rares et la pauvreté de la Palestine n’offrait pas de travail. Avec l’émergence du sionisme, le pays s’est économiquement développé mais ces religieux ne se sont pas mis en quête d’un emploi pour autant. Il n’était pas question que l’Etat juif, qu’ils ne reconnaissent pas d’ailleurs, cesse de les entretenir. Bref, leur position n’a pas varié d’un iota : pas de gagne-pain, pas de service militaire mais des demandes de soutien financier pour des populations de plus en plus nombreuses.   


Précisons qu’il n’y a qu’en Israël que les milieux orthodoxes se sont accordé le droit moral de vivre aux crochets de leurs frères et de la société plus généralement. A New York, à Paris, à Anvers, il n’en est rien. Ce constat n’est pas anodin. Certains rabbins israéliens ont en effet annoncé que leurs ouailles envisageraient sérieusement de quitter la terre de leurs ancêtres s’ils recevaient un ordre de mobilisation. En mettant cette menace à exécution, ils échapperaient assurément à l’armée. En revanche, ils se prépareraient des jours difficiles en diaspora car, c’est juste un exemple, ce n’est pas de subventions qu’un gouvernement LFI les noierait en France. Ils seraient forcés de travailler. A ce jour, les autorités israéliennes ont été réellement accommodantes avec les religieux. Les jeunes filles qui déclarent l’être sont réorientées vers un service civil plus à même de préserver une forme de modestie. Au-delà du temps aménagé pour ceux qui souhaitent prier, des bataillons regroupant des « craignant Dieu » ont été créés. Récemment encore, après une polémique, la famille d’Israël Yudkin, tombé à Gaza, a obtenu une dérogation pour qu’une formule religieuse soit inscrite sur sa tombe. Non, vraiment, c’est aux haredim de bouger. Le sage Hillel ne disait-il pas : « Si je ne suis que pour moi, qu’est-ce que je suis ? »

 
 
 

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