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FAUX AMIS

  • Photo du rédacteur: Philippe Broda
    Philippe Broda
  • 5 avr.
  • 4 min de lecture

Il y a des mots qui existent en français et en anglais. Souvent, leur qualification est identique dans les deux langues mais il arrive qu’elle diffère. Par exemple, le mot anglais « deception » signifie « tromperie » dans la langue de Molière. Il s’agit d’un « faux ami ». Ce cas de figure existe également en politique. Pour les Juifs, il porte le nom de Rassemblement National (RN).


Aussi lamentable soit-elle, la décision du gouvernement israélien d’inviter des personnalités éminentes de l’extrême-droite française à une conférence sur la lutte contre l’antisémitisme n’est pas si surprenante au bout du compte. Le nombre de Juifs français indiquant qu’ils sont tentés de voter en faveur du RN, voire Reconquête!, connaît une hausse vertigineuse et c’est sans compter ceux qui ont carrément franchi le pas. Deux types d’arguments sont habituellement mobilisés pour justifier cette éventuelle transgression du tabou. Le premier est une réaction épidermique face à l’antisémitisme débridé de Mélenchon et de ses sbires. Ces Juifs veulent se tenir le plus loin possible de l’extrême-gauche et le plus loin c’est l’autre extrême. Qu’ils se souviennent néanmoins que la terre est ronde et que les extrêmes finissent parfois par se rencontrer comme l’enseigne le pacte germano-soviétique. Les extrêmes s’associent parfois afin de provoquer l’effondrement du système. Circonstance atténuante malgré tout, à force de traiter de « fascistes » tous ceux qui ne pensent pas comme eux, les extrémistes de gauche contribuent eux-mêmes à « dédiaboliser » leur adversaire préféré.

Le second argument pose davantage problème encore. Il est supposé s’appuyer sur une déclinaison de l’adage « les ennemis de mes ennemis sont mes amis ». Autrement dit, le simple fait d’avoir un ennemi commun rapproche deux partis même s’ils sont hostiles – surtout s’ils le sont, pourrait-on ajouter, parce qu’il est trivial de considérer que deux amis partagent des vues, des amitiés, des inimitiés... Et c’est là que la situation se gâte parce qu’il ne va pas de soi que deux ennemis mortels parviennent à s’entendre. Adresser ses flèches sur la même cible est une chose. Les hasards de la vie produisent ce type de coïncidence. Bâtir des alliances, se réclamer de valeurs partagées relève d’un autre ordre. Malheureusement pour Israël, Benjamin Netanyahou a confondu les deux. Le renforcement du Hamas pour affaiblir l’Autorité Palestinienne lui a explosé au visage le 7 octobre. Jouer à l’apprenti-sorcier est risqué. Dans le cas du RN, il est notoire que l’extrême-droite est un ennemi mortel du peuple juif. Que le monde arabo-musulman soit devenu aujourd’hui le principal péril signifie pas que le Juif ait cessé d’être un corps étranger à la nation.


Jordan Bardella et Marion Maréchal ont tenu à marquer de leur présence des sites qui symbolisent les traumatismes récents du peuple juif, la rave party de Nova et les kibboutz martyrs notamment. Une caricature vient immédiatement à l’esprit : debout dans la salle de la mémoire de Yad Vashem, Bardella sèche une larme à côté d’un journaliste qui lui demande pourquoi il semble tellement ému. Dans la bulle du RNiste bodybuildé, on n’ose dire le phylactère, la réponse fuse : « Nos aînés ont fait un si bon boulot quand même ». Rien n’interdit évidemment d’imaginer que des idéologies évoluent, que leurs inspirateurs apprennent de leurs erreurs et procèdent à un authentique examen de conscience. Toutefois, ce type d’aggiornamento n’est pas toujours praticable. En l’occurrence, de la même manière que, dans le schéma de pensée communiste seul le Juif totalement déjudaïsé a droit de cité, à l’extrême-droite, le Juif incarne le cosmopolitisme, le citoyen peu fiable en raison de ses allégeances multiples. Comment les Juifs sur le point de lire la Haggadah de Pessah qui leur enjoint de se souvenir qu’ils furent étrangers en terre d’Egypte envisagent-ils de s’accorder avec un parti xénophobe ?


Aucun équivalent au concile Vatican II de l’Eglise catholique, qui a conduit une pacification des relations de cette religion avec les Juifs, n’a été mis en place à l’extrême-droite. C’est même le contraire. Plus on se plonge dans le passé, plus les sujets qui fâchent reviennent à la surface. Doit-on condamner Jean-Marie Le Pen, le fondateur du RN, pour son antisémitisme ? Ouh la la, c’est compliqué… Quand Vichy est mis sur la table, c’est encore pire. La pastille ne passe pas. L’extrême-droite oscille entre le « marre de cette repentance permanente » et la position de Zemmour, le Juif qui « kasherise » l’action du maréchal Pétain. D’ailleurs, c’est encore trop pour une minorité des militants qui, eux, campent sur la rage antisémite d’origine. Leur soutien bruyant à l’action du Hamas l’atteste. C’est tout à l’honneur de Bernard-Henri Levy d’avoir annulé sa participation à cette conférence en Israël qui a fait entrer le loup dans le bergerie. Comment choisir entre ceux qui souhaitent interdire la double nationalité franco-israélienne, le RN, et ceux qui veulent criminaliser les Juifs qui donnent leur vie pour Israël, LFI ? » . La responsabilité du Juif est de ne pas céder au chant des sirènes. Elle est de ne voter pour aucun candidat qui se situe aux extrêmes. «Ni, ni » disait un célèbre collaborateur…


 
 
 

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