GAZA UPON THE SEA
- Philippe Broda
- 15 févr.
- 4 min de lecture
A LA MEMOIRE DE LOUISE L
La date d’inauguration de la Trump Tower II à Dir al Balah, à deux pas de la marina, n’a pas encore été fixée. Steve Witkoff s’est engagé à la faire coïncider avec l’entrée en service de l’aréna qu’il fera construire lui-même pour accueillir les matchs de la nouvelle franchise de NBA, les Khan Younes Killers. Witkoff n’est pas juste le conseiller pour le Moyen Orient du Président. C’est un orfèvre du rachat des immeubles à bas prix. Il s’est gavé à Gaza.
Donald Trump n’est pas forcément l’individu que l’on aurait plaisir à inviter pour le repas du chabbat soir. C’est entendu. De plus, la brutalité de ses propos au service de son unique objectif, rendre aux Etats-Unis leur puissance, choque. Convaincu de sa force, il engage des bras-de-fer sur tous les terrains où il le juge nécessaire. D’ordinaire, les relations diplomatiques se déroulent sur un mode plus policé. Le plaisir de voir la duplicité et la lâcheté des Européens totalement prises en défaut ne compensent ni le malaise, ni l’inquiétude, que les déclarations à l’emporte-pièce du président américain suscitent. S’agit-il uniquement de positions de départ ? Jusqu’à quel point sont-elles le fruit d’une réflexion avec un objectif raisonnable au bout du compte ? Après tout, la notion de « deal », que Trump présente comme la clé de voûte de sa méthode, n’est pas une situation où le partenaire ressort complètement laminé. Qu’en est-il alors de son projet d’établir une Riviera à Gaza ? Entre gens de bonne compagnie, les commentateurs n’ont cessé de pousser des cris d’orfraie en exprimant leur consternation. Et si l’on examinait, non la faisabilité de l’idée de Trump, mais les conséquences de sa prise de parole ?
Tout d’abord, l’annonce a pris tout le monde de court. Il suffit d’observer Benjamin Netanyahu, aux côtés de Trump au même instant et peinant à masquer sa stupéfaction en échangeant des regards avec les membres de sa délégation, pour s’en convaincre. L’improvisation a été telle que la porte-parole de la Maison-Blanche et Marco Rubio, le secrétaire d’Etat, ont été contraints d’apporter rapidement des précisions pour faire taire les rumeurs les plus folles. Non, le déplacement des deux millions de Palestiniens résidant dans la bande de Gaza n’était pas définitif. Ce n’était pas un « one way ticket ». Les réfugiés seraient autorisés à exercer leur « droit au retour » s’ils le souhaitaient mais à Gaza uniquement. De plus, c’est dans les pays arabes de la région qu’ils séjourneraient pendant la durée de la reconstruction. Cela coupait l’herbe sous le pied à Elon Musk qui commençait à envisager une méga commande pour sa compagnie SpaceX. Celle-ci aurait proposé de facturer au gouvernement des Etats-Unis la mise en orbite des deux millions de Palestiniens autour de la terre. Il y a des configurations que même les affreux Ben Gvir et Smotrich auraient été incapables d’imaginer…
Le « syndrome du sale gosse » est bien connu de tout docteur Maboule qui se respecte. Il décrit le comportement d’un enfant qui a développé un sens pathologique de la contradiction. Ses parents disent « oui ». Cela le pousse à répondre « non » avec énergie. Puis un grand boum se fait entendre dans la pièce. Le silence s’installe quelques secondes avant que la discussion ne reprenne. Que ce soit par distraction ou à fin expérimentale, les parents disent « non » désormais. Le « sale gosse » rétorque cette fois « oui » avec la même vigueur que précédemment. En quoi cela éclaire-t-il notre problématique ? Eh bien, le Palestinien incarne le « sale gosse » et la proclamation lunaire de Trump le grand boum. En l’occurrence, il faut se souvenir que, jusque-là, les habitants de Gaza déclaraient que leur maison était située à Tel Aviv, à Jaffa ou à Petah Tikva. Ils en brandissaient les clés de façon théâtrale et assuraient qu’ils en chasseraient un jour les Juifs qui l’occupaient. Depuis qu’il a été question d’une Riviera, ils jurent avec solennité que jamais ils ne partiront de Gaza, que c’est ici qu’ils vivent. Ils montrent d’autres clés. Good ! Un changement de repère que l’on n’attendait plus.
Il est possible que le soufflé retombe aussi vite qu’il est monté. Un analyste facétieux a toutefois brodé, on n’ose dire broda, un scénario dans lequel l’inénarrable Donald réitère ses intentions. Les Palestiniens considèrent du coup que leur principal ennemi devient les Etats-Unis et un ennemi auquel ils finissent par imposer leur volonté puisque, à partir du moment où aucun Marine n’est censé être envoyé sur zone, ils ne peuvent qu’avoir le dernier mot. Cette victoire contre l’oncle Sam les enracine davantage encore à Gaza. Plus simple et plus flatteur de défaire ces balourds, qui forment la première puissance mondiale, que ces teigneux de Juifs dans leur petit pays ridicule. Contre eux, le coût des raclées est toujours trop élevé. Sur X, ex Twitter, les gazouillis des Gazaouis sont presque unanimes : l’immense bonheur éprouvé lors des massacres du 7 octobre ne valait pas la souffrance qui a suivi. Reprenons le film. Les Etats-Unis exigent une concession palestinienne pour accepter leur défaite : la neutralisation politique du Hamas. En échec et sans horizon, l’organisation terroriste trouve une porte de sortie honorable en consentant à céder la place. La paix survient. L’oncle Simon conseillait d’être optimiste : c’est gratvi.
Commentaires