L'ANOMALIE
- Philippe Broda
- 15 juin
- 4 min de lecture
Enfin des négociations de paix ! Le Premier ministre israélien prend la parole : « Avant tout, je souhaiterais régler un vieux contentieux. Un jour, tandis que Moïse se baignait nu, un Palestinien sur la berge lui a volé ses vêtements...
- C’est ridicule, s’offusque le chef de l’OLP, le peuple palestinien n’existait pas alors !
- Très bien. Nous pouvons commencer à discuter ».
Cette blague sur la bataille de l’antériorité – qui était là le premier ? – est révélatrice à plus d’un titre. Tout d’abord, parce qu’elle est décalée par rapport à la problématique. Puisqu’il existe deux revendications inextinguibles, il convient de trouver un moyen de donner satisfaction à chaque camp, à savoir partager le gâteau en deux parts peu importe qui l’a vu en premier. L’unique voie, on en est loin, est donc celle d’un compromis territorial : un Etat juif et un Etat palestinien qui ficherait la paix à l’Etat juif. Ensuite, ce trait d’humour n’est pas appréhendé partout de la même façon. Il a tendance à amuser les Juifs, beaucoup moins les pro Palestiniens qui rient jaune parce qu’il remet en cause un de leurs principaux arguments : les Juifs ont moins de droits, voire pas de droits du tout, parce qu’ils sont seconds par ordre d’arrivée. Autrement dit, les Palestiniens seraient de purs autochtones et les Juifs des colons, des envahisseurs. Eh bien non. C’est faux. Que l’antériorité ne confère aucun privilège ne doit pas empêcher de rétablir les faits. Les Juifs étaient les premiers. Ce qui peut leur être reproché est plutôt d’être … de mauvais perdants. Comme le 7 octobre où ils n’ont pas pris les choses avec le sourire.
La plus ancienne mention du peuple juif à ce jour figure sur la stèle du pharaon Mérenptah, au treizième siècle avant l’ère courante. Il y était indiqué : « Israël est dévasté, sa semence n’est plus ». Bien qu’une incertitude subsiste sur ce que recouvre exactement cette population, l’erreur de diagnostic est manifeste. En effet, quelques siècles plus tard, le nom d’Israël apparut sur un autre monument, la stèle de Mesha, roi de Moab. Le texte explique que les Moabites avaient été maltraités par Israël, décrit comme un oppresseur, déjà – il s’agit sans doute des ancêtres de Bibi Netanyahou. Puis Moab prit sa revanche, réduisit le peuple d’Israël en esclavage et pilla ses lieux de cultes : « Israël est ruiné à jamais » se targuait la stèle. Le jugement est à nouveau prématuré : érigée par un roi araméen, une autre stèle à Tel Dan précise que la « maison de David » a été écrasée. Ce qui prouve a contrario que les Moabites n’étaient pas parvenus à l'effacer. Bref, les Juifs se font massacrer mais ils survivent. C’est bizarre en soi en ces temps où les vaincus disparaissaient d’ordinaire par élimination ou par dissolution. Mais le plus curieux est que ce sont leurs vainqueurs dont on va perdre les traces. Où sont les Moabites et les Araméens ?
L’attachement des Juifs à Eretz d’Israël ne s’est jamais démenti au fil des siècles. Les folles thèses de Shlomo Sand le prouvent encore mieux. Même si les Juifs ne sont pas des Juifs mais des imposteurs, c’est son idée, il suffit qu’ils prétendent l’être – Juifs, pas imposteurs – pour qu’un lien symbolique fort se noue aussitôt entre eux et cette terre. Qu’en est-il des Palestiniens ? Le propos n’est pas de nier leur droit à disposer de leur propre Etat, juste à remettre la schule au milieu du shtetl. A partir de quand ont-ils manifesté de l’amour pour leur patrie ? Quand leurs dirigeants ou leurs poètes sont-ils apparus ? En fait, c’est le sionisme qui a donné naissance au nationalisme palestinien. Si les Juifs avaient opté pour l’Ouganda, jamais l’identité palestinienne n’aurait émergé. A l’époque ottomane, la Palestine n’était considérée que comme la « Syrie du Sud » sans la moindre revendication locale. Quant au caractère indigène de sa population, y a-t-il plus grotesque ? Au dix-neuvième siècle, outre les Juifs, des Algériens, des Circassiens, des Turcomans etc… ont immigré. Le rapprochement entre les Philistins et la population arabe de Palestine n’a donc aucun sens. Et c’est tant mieux pour les Palestiniens puisque les Philistins, appelés « peuple de la mer », avaient une sale réputation de cruels envahisseurs.
La dimension religieuse confirme cette anomalie juive qui consiste à s’entêter à survivre alors que le mouvement de l’histoire vous invite à disparaître gentiment sans faire de bruit. Dans les temps anciens, quand un groupe en soumettait un autre, ses divinités chassaient celles du vaincu. Il prenait possession de ses lieux sacrés avec pour objectif de capter à son profit la proximité avec le divin comme si ces sites assuraient un gisement de surnaturel, de spiritualité. Les Juifs eux-mêmes n’ont pas choisi leurs sanctuaires par hasard, qu’il s’agisse de Jérusalem ou de Bethel. On y rendait déjà un culte à de célèbres divinités du cru. Seulement leurs prédécesseurs ont eu au moins le bon goût de s’effacer. Les musulmans ont conquis Jérusalem et, guidés par un Juif converti, ont installé leurs lieux saints sur les ruines du Temple juif de Jérusalem. Ils prenaient en quelque sorte la succession de leurs devanciers. Hélas, les Juifs n’ont pas joué le jeu. Tels le sparadrap du capitaine Haddock, ils continuent de s’accrocher à leurs croyances anachroniques. Six millions d’entre eux, soit plus du tiers du peuple, ont été éliminés et ils osent se relever pour faire renaître leur Etat ! Des emmerdeurs, on a dit, et ils n'ont pas fini de l'être...
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