L'OINT DE DIEU, L'OINT DU COEUR
- Philippe Broda
- 30 déc. 2024
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Dernière mise à jour : 30 déc. 2024
En hébreu, le mot mashiah (מָשִׁיחַ) signifie l’oint. Il est le plus souvent traduit par le messie. De l’huile parfumée doit être versée sur la tête de l’homme qui remplira cette mission. Ce rite de l’onction montrera qu’il a été consacré par Dieu. Le judaïsme n’est pas l’unique système de croyance qui en traite mais, comme il s’y fait un peu attendre, on en parle plus.
Le messie chrétien est déjà arrivé. Il s’appelait Jésus mais, premier souci, c’était un Juif. En outre, le monde annoncé par les prophètes à son avènement ne correspond pas exactement au nôtre. Non, Isaïe, le lion et l’agneau ne paissent pas ensemble. Le lion n’est pas non plus devenu végan bien que, il faut le reconnaître malgré tout, quelques humains le soient devenus à sa place. Et ce n’est pas tout : il y a encore des guerres sur terre, des mélenchonistes et même des choux de Bruxelles. Dans ces conditions guère paradisiaques, le christianisme a promis le come-back du Christ, la parousie, priant pour que les choux de Bruxelles disparaissent vraiment cette fois. En d’autres termes, l’espoir doit demeurer. Par contraste, les Juifs ont continué d'attendre le messie, tout en s'opposant sur le sens qu’il importe de donner à cette attente. Dans certaines communautés, sa venue était considérée comme imminente. Selon la coutume, l’invitation à un mariage était censée stipuler qu’il se déroulerait à Jerusalem sauf si un contretemps empêchait le messie d’être présent, auquel cas il aurait lieu à X – X étant le shtetl des mariés. Pour le psychanalyste Daniel Sibony, c’est au contraire un type qui « a été calibré pour ne jamais arriver ». Il convient d’être conscient qu’une espérance si forte n’a pas pour vocation d’être satisfaite. C’est un feu vital.
L’intention de faire prudemment baisser la température est compréhensible. L’histoire juive abonde de moments d’effervescence autour d’un prétendu messie. A chaque fois, l’épisode suivait la même trame scénaristique : des turbulences qui remuent la population juive, une personnalité charismatique donnant naissance à une formidable espérance puis une immense déception aux conséquences tragiques. La révolte de Bar Kochba entre 132 et 135 en est le prototype. Menée contre l’action des occupants romains à Jérusalem, elle s’est conclue par un tel bain de sang que ces derniers décidèrent de débaptiser symboliquement la Judée. Dorénavant, la province serait nommée la Palestine. Précisons que la qualité de messie avait été conférée à Bar Kochba par une des autorités du judaïsme de son temps, Rabbi Akiba. C’est un point essentiel. Il ne suffit pas de se distinguer par un savoir spécifique, de posséder un magnétisme, un regard de braise ou tout autre aptitude pour être reconnu comme le messie. Pour que l’étonnement initial teinté de méfiance se transforme en adhésion, en soutien quasi aveugle de la foule, le soutien d’une sommité religieuse est indispensable. A Sabbataï Tsvi, faux messie du dix-septième siècle, est associé le nom de Nathan de Gaza.
Pour tous, le risque de se faire abuser n’est donc pas mince. La gematria, qui interprète les mots et les phrases à partir de la valeur numérique associée à chaque lettre, enseigne que messie et serpent (נחש) valent tous les deux 358. Comment différencier le Rédempteur d’un gourou à la petite semaine ? La probabilité de se trouver dans le premier cas de figure plutôt que dans le second est largement plus mince mais, le jour où le messie se présentera, il serait ballot de ne pas le prendre au sérieux. Autre critère, les sectes oeuvrent à détacher les croyants de leur entourage le plus proche afin de mieux les manipuler alors que le cinquième commandement ordonne d’honorer son père et sa mère. Au slogan « familles, je vous hais », le judaïsme préfère « familles, je vous ai ». La limite est clairement tracée en principe. Le souci est que les faux messies ont anticipé l’argument. Ils se sont fabriqué une « carte joker ». Dans des élans pseudo mystiques, ils proclament avoir le magistère pour autoriser ce qui est interdit. C’est bien commode. Cette logique de transgression permanente a parfois donné naissance à des cours de fidèles caractérisées par les conduites les plus scandaleuses et dépravées. Quasiment sans soutien religieux de haut rang cette fois, Jacob Frank représente probablement le pire du pire en la matière.
Le judaïsme a récemment mis au jour un messie d’un genre particulier puisqu’il se singularise par son fanatisme… antijuif. Selon la gematria, la valeur numérique de son nom – Mélenchon (מלנשון) – est de 476. L’écart avec le mot messie est de 118, pas 218, et l’expression qui associe les noms de Dieu les plus connus, le tétragramme et Elohim (יהוה ואלהים) a une valeur de 118. Sa divinité ne souffre effectivement pas la moindre contradiction. De bruit et de führer, il vitupère, lançant des anathèmes aux sceptiques. Le reste est à l’avenant. Les membres de sa secte s’amusent à dépasser les bornes. La chouchoute du messie, Rima Hassan, proclame les pires insanités… et les manifestants insoumis reprennent en masse ses formules dans une transe extatique. L’Assemblée nationale est entièrement bordélisée sans respect pour l’institution. Détruisons la démocratie en nous prétendant démocrates. Le messie lève les interdits. Il kasherise les violences conjugales quand l’auteur est l’un de ses proches. Dernier signe, les textes révèlent que le messie arrivera en montant un âne – le sien s’appelle Sophia et il parle. Dans le bible, une ânesse est dotée de la parole. Elle appartient à Balaam mais, dans son cas, ce n’est pas pour professer des… âneries.
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