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O BROTHER

  • Photo du rédacteur: Philippe Broda
    Philippe Broda
  • 15 mars
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 22 mars

En reprochant à Yaël Braun-Pivet de « camper à Tel Aviv », Jean-Luc Mélenchon s’est autorisé un jeu de mots infect que n’aurait pas désavoué Jean-Marie Le Pen. Et si, malgré cela, il était temps de choisir son « camp », de se positionner clairement par rapport aux attaques que subit l’Etat d’Israël ? Cela au point que la fraternité d’Israël puisse prendre une nouvelle signification.


Pendant longtemps, l’idée d’un retour à Sion a semblé impossible pour le peuple juif. Selon un récit talmudique, il s’était engagé auprès des Nations à ne pas monter massivement en Eretz Israël. En contrepartie, celles-ci s’engageaient à ne pas le maltraiter. Même si tous les rabbins ne souscrivaient pas à ce texte, l’instauration d’une forme politique autonome paraissait exclue. Les dégâts que la lutte contre les Romains avaient occasionnés avaient trop marqué les esprits. C’est Dieu qui mettrait un terme à la condition exilique du peuple. Il restait aux Juifs l’espoir exprimé à Pessah que ce jour arriverait finalement et la possibilité pour de petits groupes d’effectuer un pèlerinage, voire même de s’installer sur la terre de leurs ancêtres. De ce point de vue, la naissance du sionisme politique dans la dernière partie du dix-neuvième siècle a représenté une rupture avec cet ordre multiséculaire. Survenue trop tard pour sauver les Juifs d’Europe, la création de l’Etat d’Israël a pourtant constitué un nouveau point de fixation pour le peuple juif. Comme après le premier exil, celui de Babylone, tous les Juifs ne sont pas rentrés mais il les a amenés à intégrer d’une manière ou d’une autre ce fait à leur judéité.


Les débats au sein du peuple juif n’ont pas simplement opposé les sionistes aux non sionistes, ceux qui sont indifférents au projet ou aux antisionistes, ceux qui dépensent toute leur énergie pour empêcher les autres de le réaliser. A l’intérieur même du mouvement sioniste, les points de vue ont historiquement divergé. Les grandes figures sont connues : David ben Gourion et Dov-Ber Borochov, sionistes de gauche (respectivement la version socialiste et la marxiste), Vladimir Jabotinsky, sioniste de droite, Martin Buber qui incarnait le courant pacifiste, Ahad Ha’am, défenseur d’un sionisme culturel, Abraham Isaac Cook, inspirateur du sionisme religieux. Bien d’autres penseurs ont apporté leur pierre à l’édifice, notamment Aharon David Gordon, partisan d’une régénération par le travail, en particulier celui de la terre, mais leur notoriété est moindre. Parmi ces théoriciens plus négligés, Jacob Klatzkin mérite certainement une réelle attention aujourd’hui. Tout à sa recherche d’une normalité juive, il avait souligné le danger d’une dissonance entre les Juifs établis dans leur pays qui, en cela, vivraient comme les autres nations, et ceux qui poursuivraient leur existence dans un autre pays.


Depuis le 7 octobre, les idées de Klatzkin retrouvent peut-être une nouvelle jeunesse mais sous une autre forme. L’Etat hébreu a indiscutablement failli ce jour-là à sa principale mission, celle de protéger la population juive vivant sur son sol. Il a vacillé et, contrairement aux apparences, ce n’est pas la force de la réaction d’Israël qui a provoqué le déchaînement antisémite actuel mais la révélation de sa vulnérabilité. L’espoir d’en finir un jour avec « l’entité sioniste » a resurgi et a excité ses ennemis jurés. Pour le vérifier, il suffit de se souvenir que le déferlement des critiques contre Israël n’a pas attendu l’entrée de Tsahal à Gaza. Dans ces circonstances, la défense d’Israël devient cruciale. La disparition de cet Etat, véritable point d’ancrage du peuple juif, le confronterait probablement à un péril existentiel. En ce sens, la crise actuelle est le révélateur d’une nouvelle ligne de fracture. Le contraste ne se situe plus entre les Juifs d’Israël et ceux de diaspora mais entre les individus, Juifs ou non Juifs, qui se mobilisent pour soutenir l’Etat hébreu et les autres, qu’ils soient Juifs ou non Juifs. Cette séparation a pour vocation d’être définitive.


Après avoir rejeté les appels en arabe à la reddition, Ibrahim Kharuba est mort en tentant de protéger les guetteuses de la base de Nahal Oz. Les officiers druzes Salman Habaka et Ehsan Daqsa sont également tombés en héros. Une partie des volontaires qui sacrifient leur temps et leur argent en Israël ne sont pas juifs. Comment ne pas éprouver envers tous ces hommes un sentiment de fraternité ? Au même moment, des Juifs de diaspora posent dans les salons. Ils vilipendent les « massacres » de Tsahal sans être capables d’expliquer comment mener une guerre en zone urbaine. A la différence des Juifs chauvins à l’esprit étriqué, ils s’affichent comme humanistes. Ils sont si ouverts que, au mieux, ils mettent sur le même plan Netanyahou et le Hamas. C’est le prix qu’ils payent parfois bien volontiers pour continuer à être invités à la table de leurs amis. Mais voilà, pour être en mesure d’adopter leur posture, ils ont besoin que d’autres rampent dans la boue, risquent leur vie, et aident cet Israël qu’ils jugent avec tant de dureté. C’est leur droit. Le mien est de considérer que ce ne sont pas, plus, mes frères. L’ironie est que, teinté d’antisémitisme, leur universalisme est dévoyé. C’est un leurre. Le véritable universalisme leur échappe. Il est niché dans la défense d’Israël par tous les êtres humains de bonne volonté.

 
 
 

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