OUT OF THE BOX
- Philippe Broda
- 14 sept. 2024
- 3 min de lecture
Dépêche de l’AFP : la prison de Gilboa a été infiltrée ce matin par trente membres du collectif Tsav 9, qui est rattaché à l’extrême-droite israélienne. La direction des services pénitentiaires a déclaré avoir perdu le contrôle de cet établissement où sont enfermés des militants Palestiniens condamnés à des peines lourdes et réclamés par le Hamas. Et si c’était vrai...
L’opération « Bordure protectrice » de 2014 a servi de répétition grandeur nature au plan du Hamas consistant à attirer Tsahal dans la bande de Gaza afin de délégitimer Israël aux yeux de la communauté internationale. Les paramètres de l’équation n’ont effectivement pas varié dans la guerre actuelle : l’adossement de l'Etat juif aux Etats-Unis, le rôle plus qu’ambigu du Qatar, le nombre des victimes civiles, l’hostilité des médias envers Israël et le soutien de l’Occident à la cause palestinienne. C’est uniquement la valeur de ces paramètres qui a changé. Ainsi, malgré des moments de tension intense entre Washington et Jérusalem, le gouvernement israélien a bénéficié jusqu’ici sous Joe Biden d’une liberté d’action bien supérieure à celle qui avait été la sienne sous Barack Obama… mais cette coopération n’est pas un élément inédit. Dans le même ordre d’idées, les manifestations pro-Hamas étaient prévisibles en Europe et aux Etats-Unis. Yahya Sinwar a probablement été très agréablement étonné par l’exaltation des campus étatsuniens. En revanche, il a été certainement déçu par le calme relatif de la rue arabe. Voilà, là également, rien de neuf sous le soleil.
L’objectif d’Israël est double, faire disparaître une fois pour toute la menace du Hamas et obtenir la libération des otages. Concernant l’affaiblissement de l’organisation terroriste, ce qui est sûr est qu’elle était largement mieux préparée que l’armée israélienne à une guerre à Gaza. Pour le reste, on ignore à quel point le Hamas est ébranlé militairement. Qu’il ait renoncé à son exigence de cessez-le-feu définitif comme précondition à tout échange de prisonniers témoigne d’un état de faiblesse que l’absence de réaction à la mort d’Ismaïl Haniyeh – même pas une roquette tirée – et d’autres indices confirment. Plus la guerre s’éternise et plus il déguste. Va-t-il s’effondrer pour autant comme un château de carte ? Nul ne le sait. Pas plus les agences de renseignement avec leurs décomptes pseudo scientifiques que les citoyens qui jouent aux apprentis généraux dans leur salon. Pour ce qui est du deuxième objectif, le retour des otages, le Hamas dispose d’un énorme avantage, l’asymétrie entre sa position et celle d’Israël. Les attentes envers une organisation terroriste et un Etat démocratique ne sont pas les mêmes. Si cela éclairait le public sur qui est le gentil et qui est le méchant dans l’affaire, ce serait une consolation. Hélas…
Le déséquilibre est flagrant. Le Hamas maltraite sans vergogne ses otages, pratiquant allégrement le viol et procédant à des exécutions le cas échéant. Sa politique n’indigne guère. Son refus de communiquer la liste des noms de ses prisonniers ? Bof, cela s’appelle la guerre psychologique. Lorsque les familles d’otages ont prié la Croix Rouge d’obtenir des informations sur leurs proches et de transmettre des médicaments aux malades, l’organisation internationale a répondu tranquillement : « Nous aimerions vous aider mais le Hamas n’est pas d’accord ». Fin de l’histoire. Cela, en n’omettant pas de présenter des exigences très strictes au gouvernement israélien sur les conditions de détention dans ses geôles. Jusqu’à très récemment, les manquements répertoriés étaient que l’on y sert pas de dessert tous les jours et qu’il n’y a pas toujours d’eau chaude dans les douches. Peut-être que Yahya Sinwar, soigné pour un AVC quand il était détenu, a-t-il estimé que son lit n’était pas assez confortable ? Depuis, certes, les contempteurs d’Israël se sont réjouis d’apprendre qu’un terroriste palestinien avait été brutalisé par des soldats au camp de Sdé Teiman mais il s’agit d’une bavure : les coupables seront punis.
Gilboa n’est pas seulement le mont où le roi Saül a perdu la vie dans une célèbre bataille contre les Philistins. Il s’agit de la prison jugée la plus sûre d’Israël. Ce qui n’a d’ailleurs pas empêché des Palestiniens de s’en échapper en 2021… par des tunnels évidemment. Revenons maintenant au scénario fantasmé, les trente militants du collectif Tsav 9 prenant en otage les membres du Hamas du quartier de haute sécurité de la prison. Précisons qu’il suffirait que les assaillants se réclament de ce collectif pour obtenir un résultat similaire parce que, d’un coup, ce ne serait plus l’Etat d’Israël qui pointerait officiellement un pistolet sur la tête des terroristes mais des citoyens, de surcroît considérés comme des têtes brûlées. Une sorte d’équilibre serait rétabli entre les détenteurs d’otages. Comme à Gaza, une action de Tsahal mettrait en danger leur existence. Même le Hamas souhaiterait des négociations. Il serait forcé à changer d’attitude envers les otages israéliens. Y a-t-il quelqu’un qui connaîtrait les codes d’entrée de la prison par hasard ? Theodor Herzl, le père du sionisme, avait dit : « Si vous le voulez, ce ne sera pas une légende »…
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