"QUE CELA RESTE ENTRE NOUS"
- Philippe Broda
- 20 mai 2024
- 4 min de lecture
La stratégie des Etats-Unis pour obtenir un cessez-le-feu manque parfois de clarté. Les échanges téléphoniques entre le Président Joe Biden et l’Emir du Qatar, Tamim bin Hamad Al Thani jettent un éclairage utile sur la question. En voici en exclusivité quelques extraits.
Le 3 janvier 2024, à 14h28 (heure de Washington) :
- (Biden) Ecoutez, les négociations ont déjà permis une pause dans le conflit. Nous devons y parvenir à nouveau. Et durablement.
- (Al Thani) Que proposez-vous ?
- Nous avons prise sur Israël. Nous ferons pression sur son gouvernement. Et, vous, de votre côté, vous ferez de même avec le Hamas.
- Très bonne idée, Monsieur le Président, mais qu’est-ce qui prouve que vous tiendrez parole ?
- Je pourrais vous répondre que cela fait un moment déjà que nous forçons le gouvernement israélien à freiner ses opérations mais vous allez voir bientôt notre agacement monter crescendo. Et puis nos citoyens musulmans nous ont à l’œil.
- Vous imaginez que des musulmans soient capables de voter Trump ?
- Vous nous jugerez sur acte. Nos déclarations seront publiques. Nous sommes prêts à aller très loin.
- Je vous crois. Je vous demande de nous croire également. Parce que, pour ce qui nous concerne, nous œuvrerons avec discrétion. N’oubliez pas que nous sommes des orientaux. Il n’est pas question de braquer le Hamas.
- C’est entendu. Vous avez toute notre confiance. Pour conclure, je vous souhaite une bonne année !
- Monsieur, le premier janvier est une fête juive de circoncision…
Le 2 février 2024, à 13h51 (heure de Washington) :
- (Biden) Que pensez-vous de notre action ? Ne faisons-nous pas notre part ? Vous pouvez noter qu’Israël a lâché du lest sur de nombreux points.
- (Al Thani) C’est vrai. Bravo Président ! Ne vous inquiétez pas au sujet du Hamas. Certes, pour le moment, il ne cède sur rien mais je sens que cela ne devrait pas tarder.
- Excellent ! Je m’en réjouis, Monsieur l’Emir.
- Puisque vous constatez que nous non plus n’épargnons pas nos efforts, puis-je vous demander une faveur ?
- Faites, mon ami.
- Dans un mois, les musulmans célèbrent le Ramadan. Même sans accord de fond, il me paraît important qu’une pause dans les combats soit enregistrée. Ce serait une marque de respect élémentaire envers l’Islam.
- Entièrement d’accord. Sur ce, je vous laisse. Une crêpe au beurre de cacahuète m’attend. La Chandeleur est tombée en désuétude ici mais je suis un gourmand. Il s’agit d’une fête chrétienne qui commémore la présentation de Jésus au Temple de Jérusalem.
- Au quoi ? Je ne vous entends pas.
Le 19 mars 2024, à 12h08 (heure de Washington) :
- (Biden) Israël continue d’assouplir ses positions. Nous faisons du bon boulot.
- (Al Thani) Quel dommage que vous n’ayez rien obtenu pour le Ramadan.
- Les Israéliens ont été inflexibles. Ils rappellent que la guerre a commencé le jour de Simhat Tora.
- Justement il y a un progrès. En 1973, l’attaque avait eu lieu à Yom Kippour. Cette fois, nous avons pris la peine… je veux dire le Hamas a pris la peine de lancer ses opérations à l’occasion d’une célébration jugée moins solennelle.
- C’est exact. Pour en revenir aux négociations, puisque le Hamas ne bouge pas d’un pouce sur l’essentiel, Israël attend que vous l’expulsiez du Qatar afin de prouver au monde que le problème, c’est lui.
- Bien sûr, bien sûr.
Le 26 avril 2024, à 13h51 (heure de Washington) :
- (Biden) Le Hamas a durci ses positions. Les Israéliens sont très énervés.
- (Al Thani) C’est normal. Comme ils pensent à mal, ils nous accusent de complicité. Aucune reconnaissance. Nous nous y attendions. Soyez tranquille, nous expulserons bientôt le Hamas du Qatar. N’avez-vous pas constaté que ses dirigeants se sont rendus récemment en Turquie ? Ils ont été avisés de nos intentions et cherchent un nouveau quartier général.
- Et vous en pensez quoi très cher Emir ?
- Si Erdogan devient médiateur, vous devrez reprendre les négociations depuis le début. Et puis c’est un fou furieux. Pile au moment où nos pressions commençaient à porter leurs fruits. Quel gâchis ! Mais je comprends, Il vous faut faire plaisir aux sionistes.
- Vous savez quoi. Annulez votre décision. Retenez le Hamas.
- Et les Juifs ?
- J’en fais mon affaire.
Le 10 mai 2024, à 11h44 (heure de Washington) :
- (Biden) Je ne renonce pas. Je poursuis dans la voie dont nous étions convenus. Je ne doute pas que vous arriverez à ramener le Hamas à la raison.
- (Al Thani) Oui, votre suspension sur les livraisons d’armes va dans le bon sens. Cependant, je vois que vos Juifs sont mécontents et se réveillent.
- C’est vrai, monsieur l’Emir. Les armes vont être envoyées. J’ai des élections et je dois satisfaire ces gens. Toutefois, nous attendons Israël au coin du bois. A la première bavure lors des opérations à venir, nous imposerons un cessez-le-feu immédiat.
- A la bonne heure, Monsieur le Président. Nous y sommes presque.
- Sachez que, par ailleurs, nous ne cautionnons pas la fermeture d’Al Jazeera en Israël.
- Pfff ! Nous reprocher, nous défenseurs de la liberté d'expression, d’être des porte-paroles du Hamas !
- Je sais, je sais. Au fait, toute ma sympathie pour le nouvel échec du PSG. C’est tout sauf comique. J’adore cette équipe mais que cela reste entre nous.
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