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SANS TABOUS, NI PEPETES

  • Photo du rédacteur: Philippe Broda
    Philippe Broda
  • 24 nov. 2024
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 25 nov. 2024

Selon Socrate, l’ignorance est responsable des mauvais jugements. Dans les sociétés anciennes, les Juifs étaient haïs parce qu’on ne les connaissait pas bien. Les gens s’imaginaient qu’ils étaient des bêtes à cornes. Quelle idée ! Dans le monde moderne si bien informé, de tels préjugés n’ont plus cours. On a corrigé le tir, si l’on peut dire : les Juifs sont détestés parce que l’on sait les choses. C’est rassurant…


Depuis la nuit des temps, la liste des reproches adressés aux Juifs est presque aussi longue que le bras : universalistes et cosmopolites, misanthropes et chauvins, capitalistes et exploiteurs, communistes et révolutionnaires, fanatiques religieux et ultra-rigides, cyniques et caméléons… La liste n’est pas exhaustive et elle n’est pas close : les décoloniaux reprochent désormais aux Juifs pourtant dispersés sur tous les continents d’être des Blancs. En tant que pourfendeurs de l’européocentrisme, ne devraient-ils pas réclamer plutôt, par exemple, que le narratif sioniste intègre l’alyah des Juifs du Yémen en 1881, qui est habituellement passée sous silence ? Ah, si chacune de ces critiques lui rapportait de l’argent, le peuple juif deviendrait si riche qu’il serait en capacité de contrôler la planète entière à son propre profit. La Shoah a constitué un tournant dans cette stigmatisation. Un coup d’arrêt a été enregistré dans les années qui ont suivi. Comme l’a écrit Georges Bernanos, « Hitler a déshonoré l’antisémitisme ». L’effet de sidération a entraîné une pause dans l’expression de la haine des Juifs. Pendant plusieurs décennies, on a répété à l’envie qu’il s’agissait de citoyens comme les autres, avec des droits et des devoirs.


Bien sûr, l’antisémitisme n’a pas entièrement disparu durant ces belles années mais il n’a pratiquement revêtu que les habits du négationnisme. La contestation de l’extermination juive par les nazis est d’ordinaire associée à l’extrême-droite – Robert Faurisson et plus récemment Alain Soral en France, David Irving en Angleterre – mais elle n’en est pas l’apanage. L’extrême-gauche n’est pas en reste. Publié dans la revue du Parti Communiste International (PCI), « Auschwitz ou le grand alibi » est souvent considéré comme le texte fondateur du négationnisme de gauche. Le parcours de Pierre Guillaume, militant d’ultra-gauche qui devint un fervent soutien de Faurisson, témoigne des passerelles comme de la convergence idéologique entre ces courants. D’ailleurs, où devrait-on classer un individu comme Dieudonné aujourd’hui ? A l’extrême-gauche ou à l’extrême-droite ? Pas simple. Quoi qu’il en soit, la mer était calme pour les Juifs. Il ne s’est hélas agi que d’une pause, un intermède, l’antisémitisme est revenu à la charge. Il a en fait juste laissé passer une période de décence post Shoah. Merci. Les antisémites sont des êtres moraux après tout.


La position de départ est d’ailleurs devenue : ce n’est pas parce que vous avez vécu des moments un peu désagréables pendant la guerre que vous êtes au-dessus de la critique. Vous n’avez droit à aucune immunité. Typique et d’actualité brûlante : peut-on dire du mal de la politique du gouvernement israélien sans que vous ne montiez sur vos grands chevaux ? La réponse est oui. Il suffit de constater que près de la moitié des Israéliens n’apprécient pas leur Premier ministre. La différence est qu’ils ne réclament pas pour autant la disparition de l’Etat d’Israël ou qu’ils ne conditionnent pas son existence à la mise en place d’un gouvernement qui sied aux bien-pensants. La communauté internationale réclame-t-elle la disparition de la France ? Avec Emmanuel Macron à sa tête, il y aurait de quoi. Et les Etats-Unis, faut-il les rayer de la carte quand ils sont dirigés par Donald Trump ? En conséquence, ceux qui prennent prétexte la politique de tel gouvernement d’Israël – au fait, ces gens-là ont-ils au moins une fois dans leur vie apprécié un gouvernement israélien ? – pour interdire au peuple juif d’avoir son propre Etat sont effectivement des antisémites.


Les petites musiques d’antan se font à nouveau entendre. Tel historien allemand rappelle que les communistes soviétiques comptaient des dirigeants juifs dans leur rangs. Pour lui, le nazisme n’est qu’une réponse au « judéo-bolchévisme ». En Pologne, tel autre souligne que des Juifs se sont enrichis pendant la guerre. Alors, pas de leçons de morale ! Dominique de Villepin vilipende les détenteurs du pouvoir financier qui protègent Israël. « Mais qui » sont-ils ? L’abbé Pierre a accusé les Juifs d’avoir commis dans la Bible le premier « génocide » de l’Histoire, non sans minorer celui qu’ils avaient subi, cela en s’appuyant sur son ami Roger Garaudy. S’il n’avait agressé sexuellement que des Juives, le satyre aurait peut-être échappé à la vindicte populaire puisque, pour nombre d’organisations féministes, violer une Juive n’est pas un problème. Ariel Toaff – chouette, un Israélien – avait décidé d’examiner sans tabou la thèse des meurtres rituels juifs. Il était arrivé à la conclusion qu’elle était plausible. Son argument : avouer sous la torture ne fait pas de vous un innocent. Il se ravisa face à la pression des « mais qui ? ». S’il avait été plus courageux, il aurait expliqué que le sang de ces meurtres sert à la fabrication des matzot : cela donne un surcroît de goût. Il suffit d’en manger pour s’en convaincre. Un vrai régal.

 
 
 

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