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TERRE ! TERRE !

  • Photo du rédacteur: Philippe Broda
    Philippe Broda
  • 17 mai
  • 4 min de lecture

Selon une légende urbaine propagée par des ignorants plus que par des malveillants, les Juifs sont arrivés comme des cow-boys en Palestine qu’ils imaginaient déserte – « une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». Puis, quand ils ont découvert la présence des tribus indigènes, ils les ont méthodiquement dépouillés de leurs terres. Fact checkons…


Certes, la Palestine n’était pas entièrement dépeuplée. C’est l’unique point véridique de ces fadaises, un point que les Juifs n’ont jamais contesté. Pour le reste, des rectifications significatives s’imposent par rapport à l’image d’Epinal décrite plus haut. Tout d’abord, si la région n’était pas inhabitée, la densité de population y était faible. Bien que des désaccords existent entre démographes, si l’on en croit les données raisonnables, la population était approximativement cinq fois moins nombreuse en Palestine au début du dix-neuvième siècle qu’au premier siècle de l’ère courante, quand la Judée, c’était son nom, était sous occupation romaine. Une impression de désolation ressort des textes de Chateaubriand, Twain et Melville qui l’ont visitée. Elle est renforcée par le niveau de pauvreté économique qui est particulièrement élevé. La misère est épouvantable. Face à cet état des lieux, les sionistes eux-mêmes s’interrogent sur la viabilité d’un retour massif du peuple juif. La ville de Jérusalem n’échappe pas au tableau d’ensemble. Elle est d’une saleté jugée parfois repoussante. Il est à souligner que les Juifs y sont déjà majoritaires avant les vagues d’immigrations sionistes.


Appelée la Syrie du Sud, la Palestine se révèle peu attirante, mise à part Jaffa peut-être. A l’instar des Sursock, les riches propriétaires terriens sont majoritairement domiciliés au Liban ou en Syrie où la vie est infiniment plus agréable. Selon Philip S. Khoury, ce sont d’ailleurs les élites damascènes qui ont été à l’origine du nationalisme arabe dans cette partie du Moyen Orient. Couplée aux transformations économiques, la politique de modernisation administrative instaurée par le pouvoir ottoman a en effet créé un sentiment de déclassement pour la noblesse régionale, suscitant en retour une réaction de mécontentement contre la remise en cause de sa situation privilégiée. Dans ce contexte, l’arrivée de Juifs en provenance d’Europe avec des idées excentriques a été perçue par nombre de propriétaires terriens comme une aubaine. Et puis les acheteurs ne connaissaient pas grand-chose à l’exploitation de la terre de Palestine, ni même le plus souvent aux activités agricoles. Il était tout-à-fait plausible que les Juifs ne parviennent pas à tirer du sol ce qu’ils en attendaient et que donc, après avoir acheté la terre à un bon prix, ils s’en débarrassent en la bradant.   


L’inexpérience n’a pas été le seul obstacle pour les premières communautés rurales ou moshavot. La qualité des terres et les marécages ont constitué de sérieuses entraves. Une chanson israélienne, « La ballade de Yoël Moshe Salomon » décrit de façon poétique la naissance difficile de la « mère des moshavot », Petah Tikvah. Ses fondateurs devront s’y reprendre à deux fois, en 1878 puis en 1882, avant que leur entreprise ne soit couronnée de succès. La victoire contre le paludisme, avec la contribution de Israël Yaakov Kliger, a grandement facilité la réussite du projet sioniste dans l’agriculture. Sur le plan administratif, la tâche n’était guère plus aisée. L’acquisition de terres n’était autorisée qu’aux Ottomans. Les Juifs ont dû user de subterfuges, corrompre, recourir à des prête-noms pour devenir propriétaires. C'est Albert Antébi, l’intermédiaire ayant mis en relation les notables arabes et le baron Edmond de Rothschild, qui a permis à ce dernier de prendre pied en Palestine. D’autres initiatives privées se développèrent en  parallèle. Rehovot fut ainsi fondée grâce à l’action de Yehoshua Hankin, un Juif qui refusait d’être soumis au baron. Avec l’alyah des sionistes socialistes et la création du kibboutz, le modèle fut identique.    



Pour les riches propriétaires absentéistes, le partage des terres qu’ils avaient dessiné entre les Juifs et les Arabes déjà présents sur place finirait par s’imposer à tous. Bien sûr, des conflits ponctuels surviendraient inévitablement autour de la limite précise d’un champ, par rapport aux droits coutumiers ou à des vols mais tout ce petit monde parviendrait à cohabiter. C’est ce qui se produisait d’ordinaire. Les problèmes se réglaient par un paiement supplémentaire aux villageois arabes ou un pot-de-vin à un fonctionnaire ottoman. La montée du nationalisme arabe n’a pas empêché ce juteux business de perdurer. Membre du Haut comité arabe, et pas du Haut comité palestinien c’est à noter, Awni Abd al-Hadi militait contre les sionistes le matin et jouait les go-between dans les transactions foncières l’après-midi. Il a été même impliqué dans l’achat d’Emek Hefer où le vendeur aurait lésé les habitants de Wadi Hawarith. Mais ce genre de configuration où des villageois furent délogés sans juste contrepartie, qui nourrit abondamment le narratif palestinien, n’était pas la norme. C’est surtout après la guerre de 1948, que les Arabes ont déclenchée, que des villages ont été abandonnés. Comme quoi répéter les mêmes âneries avec force conviction n’en fait pas des vérités.           

      

 
 
 

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