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TOUT UN SYMBOLE

  • Photo du rédacteur: Philippe Broda
    Philippe Broda
  • 31 mai
  • 4 min de lecture

Sur le théâtre des opérations militaires, la guerre entre les Israéliens et les Palestiniens tourne en faveur des premiers. De plus en plus chaque jour. Sur le terrain de la communication, c’est l’inverse : les Palestiniens dominent la situation. De plus en plus chaque jour. Le traitement des symboles que les belligérants mobilisent en est hélas la confirmation.  


En témoignage de solidarité avec leurs otages, les Israéliens arborent un ruban jaune en forme de boucle, que ce soit comme broche, sur des casquettes, etc. La signification du ruban jaune varie selon les latitudes. Pour illustration, les milieux militants australiens puis européens l’ont brandi pour réclamer la libération de Julian Assange. Les Israéliens, eux, rattachent son utilisation à une tradition dont la source se trouve aux Etats-Unis. Les soldats de la cavalerie avaient l’habitude de porter un foulard jaune autour du cou et, pour manifester leur soutien, leurs proches faisaient de même. Ce qui a conduit à une chanson militaire dont la version la plus fameuse a été écrite par Russ Morgan. On l’entend dans le western de John Ford, « La charge héroïque » - titre anglais : « She Wore a Yellow Ribbon », « Elle portait un ruban jaune ». Dans les années 1970, dans le contexte de la guerre du Viêt-Nam, la chanson a connu un regain de popularité. Elle traduisait un désir mélancolique de retour des soldats, priant qu’ils reviennent vite et en bonne santé. Malgré l’origine, il n’y avait là rien de martial. Les Israéliens se sont inspirés de cette symbolique pour leurs otages. La  plupart étaient d’ailleurs des civils.


En résumé, un objet évoquant l’univers militaire s’est transformé en un symbole qui n’a aucun lien avec la violence. Avec le keffieh, c’est exactement le contraire. Il s’agit au départ d’une coiffe portée par les habitants du désert au Moyen Orient qui protège du soleil et du vent. Ce couvre-chef les distingue des citadins adeptes du fez ou du tarbouche. Lors de la grande révolte arabe de 1936-1939 en Palestine, les fauteurs de troubles, qui étaient issus du monde rural, avaient demandé aux populations urbaines de s’en couvrir la tête afin que ce signe d’unité complique la réplique des autorités britanniques et des Juifs. A carreaux noirs et blancs, le keffieh est devenu progressivement un incontournable du mouvement national palestinien. Yasser Arafat, qui ne s’en séparait jamais, a contribué à cet ancrage dans les esprits. Par solidarité, les militants gauchistes ont décidé de le revêtir mais plutôt comme écharpe - les conditions météorologiques n’étant pas les mêmes  en Occident. Puis, par contagion, les manifestants anti-système, anti-capitalisme, tous ceux qui se plaisent à défiler en hurlant leur ressentiment contre l’ordre du monde, les ont suivis, optant parfois pour le keffieh rouge parce qu’il est plus seyant.  

 

Un point devrait attirer l’attention. Les ennemis d’Israël ne sont pas tous des plus finauds. Quand il  est question de brûler un drapeau israélien, certains doivent se renseigner auprès des plus instruits pour ne pas mettre le feu au drapeau palestinien par erreur. Il faut dire qu’un symbole ressemble tant à un autre symbole. Pourtant, tous ont parfaitement capté le message, le sens du port du keffieh. L’objectif est de propager la haine, de détruire l’autre. La logique protestataire du « peace and love » est radicalement incompatible avec le port du keffieh. A ce propos, la guerre actuelle ne peut être incriminée. Le phénomène est bien plus ancien : l’équation keffieh égale vindicte a été démontrée au-delà du moindre doute il y a plusieurs décennies. Dans ces circonstances, la réaction des Occidentaux concernant la gestion de ces symboles –ce qui est autorisé, ce qui est interdit – doit être soulignée. Sachant qu’ils sont de fervents partisans de la cause palestinienne tout en prétendant qu’ils ne souhaitent pas importer le conflit chez eux, ils ont décidé de s’en prendre principalement aux symboles pro israéliens. Ils avaient le choix entre le ridicule et l’inefficace, ils ont eu les deux.  


Les événements ultra médiatisés sont l’occasion de poursuivre le conflit par symboles interposés. Lors du dernier concours de l’Eurovision. la candidate israélienne Yuval Raphael, qui était une miraculée du 7 octobre, était elle-même un symbole. Elle a été copieusement huée par le public, un peu parce qu’elle était vivante et beaucoup parce qu’il était attendu qu’Israël présente une candidate prônant l’amour universel. Pour compenser, les drapeaux palestiniens ont été admis alors que la Palestine ne participait pas au concours, et sans que cela soit suspecté d'être un acte politique. En revanche, sous couvert justement de chasse aux symboles politiques, les gestes de solidarité envers les otages ont été pourchassés sans pitié. Au festival de Cannes, le couple pro israélien des Tarantino a dû ruser. Caroline Pick, l’épouse du réalisateur américain, a épinglé discrètement un ruban jaune sur sa robe. Les officiels ne l’ont pas vu à moins qu’ils n’aient craint que Tarantino ne sorte la sulfateuse. Une écharpe keffieh ne pose pas ce type de problème. C’est entré dans les usages. En 2024, l’actrice Kate Blanchett a monté les marches avec une robe aux couleurs de la Palestine. A quand une robe avec une étoile de David ?          

 
 
 

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