TRUMP 2.0
- Philippe Broda
- 16 nov. 2024
- 4 min de lecture
Comment un individu raciste, ne cachant rien de son obsession pour le sexe et l’argent, et passible d’une peine d’emprisonnement, a-t-il réussi à se faire réélire à la tête de la plus grande puissance mondiale ? Malgré cela, c’est bien sous la première présidence de Donald Trump que sont nés les accords d’Abraham. Ce retour augure-t-il de progrès vers une paix juste au Moyen Orient ?
L’emblème du parti républicain est l’éléphant. Outre son physique, la méthode de Trump évoque l’agilité du pachyderme. On considère d’ordinaire qu’il a perdu la précédente élection en raison d’une campagne trop clivante. Ayant prêché pour les radicaux de son camp, il n’était pas parvenu à attirer des modérés. Cette fois-ci, par rapport à ses fans, il s’est surpassé. En toute logique, il aurait dû faire fuir davantage de gens raisonnables et perdre plus largement l’élection. Or, il a gagné. Cela signifie que la stratégie démocrate a été un repoussoir encore plus fort pour les Américains. Les progrès notables du vote Trump chez les latinos et les femmes montrent que nombre d’électeurs ont refusé de se positionner en fonction de leur identité mais qu’ils étaient, soient mus par des sujets plus économiques, soit effrayés par les excès des démocrates extrémistes. Tel un Insoumis, Peter Beinart, un Juif propre sur lui, vogue à contrecourant : il prétend que la raclée est due au soutien de Joe Biden… à Israël et qu’importe que la perte du vote musulman soit loin de suffire à l’expliquer. Son « Being Jewish After the Destruction of Gaza », actuellement sous presse, fera un tabac dans les colonnes du Monde et de Médiapart. Peut-être ira-t-il jusqu’à supplanter Shlomo Sand. Coïncidence, l’emblème du parti démocrate est l’âne.
Les conséquences de l’élection de Trump sur la situation au Moyen Orient sont habituellement extrapolées à partir de son attitude passée. Son premier mandat a été ouvertement pro israélien. Le déplacement de l’ambassade des Etats-Unis à Jérusalem en témoigne. La relation privilégiée tissée entre le Président des Etats-Unis et Benjamin Netanyahu était garante de l’entente entre les deux pays. D’autres initiatives comme la mise en place des accords d’Abraham étaient, elles, tout aussi favorables à Israël qu’à une paix régionale. Avec son gendre Jared Kushner comme conseiller, Trump a ainsi œuvré dans le bon sens, quoi qu’on puisse penser de l’homme. Dans ce contexte, la reconnaissance de la victoire de Biden par Netanyahu a marqué une rupture, vécue comme une trahison par Trump qui espérait peut-être que Tsahal bombarde Washington… Les déclarations de campagne du businessman laissent présager toutefois qu’il maintiendra son soutien à Israël mais quel sera le nouveau rôle de Kushner, plus à l’arrière-plan pendant la bataille électorale ? De plus, que signifie exactement son intention de donner à Israël les moyens de gagner sa guerre à Gaza mais en la terminant rapidement ?
Dans ce flou artistique qu’entretient l’imprévisibilité du personnage, un scénario bénéfique à la paix est envisageable. Il implique des dégâts collatéraux mais suscite certains espoirs. Le point de départ est une décision probable de Trump : l’abandon de l’aide à l’Ukraine. La restauration des liens des Etats-Unis avec Vladimir Poutine lui permettrait d’obtenir une belle contrepartie, à savoir avoir le champ libre en Iran. Donnant-donnant. Gardons à l’esprit que Trump est un homme de deals. Il n’y aurait d’ailleurs peut-être pas besoin de désosser Téhéran. Peut-être le régime des mollah, qui a pris conscience de sa fragilité à la suite de sa passe d’armes avec Israël, préférerait-il lever le drapeau blanc ? Et sinon, tant pis pour lui. Un autre acteur encore plus important devrait donner son accord. Il s’agit de la Chine. Son cadeau serait Taïwan bien sûr. Et si cela ne suffisait pas, mais cela suffirait, Elon Musk serait en mesure d’intervenir. Ce proche de Trump possède d’énormes intérêts économiques sur le territoire chinois. Il saurait trouver les mots pour que les affaires repartent entre les deux pays. Une fois l’Iran neutralisé, avec un Hezbollah significativement affaibli, il serait temps de se tourner vers la question palestinienne.
Oublions l’Europe qui impute le blocage politique à Israël. Son hypocrisie n’a d’égale que sa lâcheté. Elle compte heureusement pour des nèfles. Le cœur du problème réside dans le refus palestinien du droit à l’existence d’un Etat juif. A partir du moment où le soutien militaire à cette intransigeance s’affaisse, la probabilité que les Palestiniens deviennent raisonnables s’accroît. Les accords d’Abraham doivent être lus à l’aune de cet objectif. Dans la foulée, pour la première fois depuis la naissance d’Israël, un parti arabe (Ra’am) est entré au gouvernement. Aux antipodes de ses positions traditionnelles pro palestiniennes, il s’est cantonné à des révendications sur l’économie et les questions de société. S’ils sont totalement esseulés, espérons que les Palestiniens signent enfin. La balle passerait dans le camp israélien. Avec Benny Gantz, le partage serait accepté sans souci. Si Netanyahu était encore en poste, une petite pression, que Trump verrait assurément comme une vengeance personnelle, serait nécessaire. Ne nous y trumpons pas, la paix est à portée de main. L’approche est cynique mais, puisque personne ne se battra jamais pour l’Ukraine, ni Taïwan, autant obtenir quelque chose en échange.
Si seulement tu pouvais avoir raison ....