UNE DEMISSION INEVITABLE
- Philippe Broda
- 22 févr.
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Dernière mise à jour : 23 févr.
Herzi Halevi va bientôt quitter son poste de chef d’état-major de Tsahal. L’homme avait très vite admis sa responsabilité dans le désastre du 7 octobre. Son départ fait suite à ceux de Aharon Haliva, chef du renseignement militaire, de Avi Rosenfeld, commandant de la division de Gaza et il accompagne celui de Yaron Finkelman, à la tête du commandement Sud. Cela suffira-t-il ?
Sans éluder la responsabilité de la direction politique, le chef de l’armée a failli. Dans le cadre du budget qui lui a été attribué par l’Etat, il a mal préparé ses troupes à cette guerre mais il ne doit pas pour autant servir de bouc-émissaire - et cela même s’il en coche presque toutes les cases : durant sa carrière, il a été en charge du renseignement militaire et du commandement Sud. Toutefois, le choix funeste du tout technologique au détriment des armes classiques lui est antérieur. En la matière, Halevi n’a fait que suivre les traces de ses devanciers. Dans le même ordre d’idée, il est difficile de lui imputer les manquements de ses subordonnés. Pourquoi Finkelman n’a-t-il pas mis le peu de troupes présentes en état d’alerte à l’aube alors qu’une attaque était plausible ? Et puis pourquoi la division de Rosenfeld, qui voyait les hordes de tueurs se ruer vers Israël n’a-t-elle pas averti les cellules de sécurité des kibboutz et les avant-postes de l’armée ? Si tous avaient été en position au moment de l’intrusion, la casse aurait été fortement réduite. Il suffit de comparer les résultats de l’attaque dans les endroits où une défense a été organisée en vingt minutes grâce à des initiatives individuelles avec ceux où la surprise a été totale.
La critique se focalise à tort sur les événements de la nuit qui a précédé le jour fatidique. Réveillé au milieu de la nuit à la suite de l’activation soudaine de centaines de cartes SIM à Gaza, Halévi a estimé qu’il n’y avait pas péril en la demeure. Ce n’était pas la bonne décision et il doit payer les pots cassés. C’est la règle. Cependant, il y a pire. En fait, Halevi faisait face à des signaux contradictoires : les uns plaidaient en faveur d’une attaque et les autres rendaient cette hypothèse improbable. Comme il savait que la situation était ambivalente et qu’il pouvait se tromper, il convint de faire un nouveau point aux alentours de huit heures du matin. Cela signifie qu’il était conscient du risque que le Hamas passe à l’action mais, dans ce cas, il était convaincu qu’un changement d’approche quelques heures plus tard suffirait à solutionner le problème. Autrement dit, dans l’esprit du chef d’état-major de l’armée israélienne, l’idée d’une invasion massive du Hamas aux effets irréversibles ne faisait pas partie du champ des possibles. Pour lui, une offensive des terroristes ne pouvait qu’être de portée réduite et elle serait freinée par les maigres effectifs, le temps que des renforts arrivent pépère après huit heures.
Les états-majors des armées n’hésitent pas à envisager les situations les plus folles dans lesquelles les forces combattantes pourraient être entraînées. Les têtes pensantes de Tsahal avait certainement planché sur une guerre en Iran, en Irak, ou en Syrie. Peut-être avaient-elles même fantasmé sur la conquête du Pôle Nord… mais jamais sur une guerre longue dans la bande de Gaza. Une cécité effarante. D’ailleurs, si une longue période s’est écoulée entre le 7 octobre et le début des opérations terrestres, c’est juste parce qu’il a fallu bricoler des plans d’attaque en toute hâte. Cette logique d’improvisation s’est retrouvée quand l’armée israélienne a commencé à réfléchir au traitement des tunnels du Hamas. Et si on les inondait ? Les ingénieurs palestiniens avaient mis en place une parade à cette stratégie depuis belle lurette. Et encore, lors d’une entrevue dramatique avec Benjamin Netanyahu, le général à la retraite Itzhak Brick a-t-il fait repousser l’assaut d’une semaine afin que certaines unités qui ne s’étaient pas entraînées depuis cinq ans et étaient sous-équipées puissent être mieux préparées.
En restant en fonction, Halevi a obtenu de jolies réussites contre le Hezbollah, l’Iran et même contre le Hamas finalement. Hélas, nombre de ses actions, parmi lesquelles sa commission d’enquête sur le fonctionnement de l’armée avant et pendant la guerre, interrogent. En effet, des officiers membres du sérail sont-ils en capacité d’adopter une position vraiment critique contre leurs chefs ? Tout aussi problématique a été sa nomination d’officiers lourdement impliqués dans l’échec initial à des postes clés, tel Oded Basyuk qui a remplacé Haliva à la tête du renseignement militaire. Plutôt que de procéder à un salutaire coup de balai dans l’état-major, il a préféré se débarrasser d’officiers atypiques, comme Ofer Winter, parce qu’ils ne se fondent pas dans le moule. Gageons que son départ marquera, non pas le chant du cygne mais celui du rossignol, zamir en hébreu. Cela tombe bien, c’est le nom de son remplaçant. Eyal Zamir peut se prévaloir du fait qu’il ne faisait plus partie de l’armée le 7 octobre. Sa réputation est ainsi moins entachée que celle de nombre de hauts gradés sans compter qu’il est un peu sorti du jeu des copinages militaires par son retour à la vie civile. Et puis c’est un tankiste. Pas besoin de lui expliquer le rôle du lourd, du matériel. Les gadgets aident mais ne viennent pas à la place.
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