VERTS DE RAGE
- Philippe Broda
- 9 nov. 2024
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 25 nov. 2024
En l'honneur de RUBEN D.
La population juive mondiale avoisine les 16 millions d’individus. Israël compte environ 10 millions de citoyens. Il y a plus de 8 milliards d’êtres humains. En regardant les données économiques concernant la croissance, les richesses accumulées, etc…, on aboutit à la même insignifiance. Dans ces conditions, pourquoi les militants écologistes les ont-ils pris en grippe ?
A l’époque du temple de Jérusalem, le rituel de Yom Kippour exigeait que deux boucs aux caractéristiques similaires soient présentés au Grand Prêtre. L’un était sacrifié à Dieu et l’autre, destiné à Azazel, était chargé des péchés du peuple et envoyé dans le désert où il trouvait la mort. Ce processus de purification du groupe social par la mise en cause d’un innocent porte encore le nom de désignation d’un bouc-émissaire. Puisque les Juifs sont à l’origine de l’expression, les nations les ont récompensés avec magnanimité en leur attribuant souvent ce rôle au cours de l’Histoire. David Nirenberg décrit comment le nom Juif incarne le mal absolu sous tant de latitudes. Il existe des idéologies dont une des raisons d’être est d’éliminer la population juive, le nazisme par exemple. Sa construction de la nation allemande est consubstantielle à la haine du Juif. Cependant, il n’est pas rare que le système de pensée soit indépendant de la question juive et que l’antisémitisme ne vienne se greffer que dans un deuxième temps. C’est le cas du communisme. Les premiers communistes stigmatisaient les Juifs parce qu’ils les associaient à l’argent et à la banque mais ce raccourci était uniquement lié aux préjugés de l’époque.
C’est pourquoi, même si de nombreux débats n’ont pas grand-chose à voir avec les valeurs ou la tradition juive, les camps qui s’affrontent accusent parfois leurs adversaires d’être façonnés par elles. L’immigration en France ? Nul n’a oublié que Jean-Luc Mélenchon a reproché aux positions ultra rigides d’Eric Zemmour sur le sujet d’être liées à ses origines juives. A l’époque de la Révolution française, le Tiers-Etat associait le conservatisme des royalistes, leur volonté de figer la hiérarchie sociale, à un héritage de la bible juive. Bouh ! Quelques années plus tard, le projet d’une réforme de la société fondée sur la raison fut associé par les ennemis des Lumières aux ratiocinations du Talmud. Bouh à nouveau ! Aujourd’hui, les militants écologistes s’en prennent aux Juifs. Pourtant, la problématique du dérèglement climatique semble aux antipodes de la prière du chabbat. Les textes juifs traitent certes du respect de l’environnement – il est ainsi interdit de couper des arbres fruitiers afin de les utiliser durant le siège d’une ville – mais Rabbi Tarfon et ses pairs n’abordent pas directement le réchauffement de la planète, le débat sur le nucléaire, l’acidification des océans ou la réduction de la biodiversité.
L’antisémitisme des militants verts n’est pas inhérent à la cause écologiste mais, comme expliqué plus haut, il véhicule une dimension fédératrice. La combinaison entre les vieux stéréotypes antijuifs, vestiges des temps passés, et une ignorance abyssale produit des résultats détonants et, plus important que tout, il mobilise. Prenons Greta Thunberg. Il serait simpliste de voir en elle une jeune dinde remuée par les victimes civiles de la guerre à Gaza, la seule guerre qui l’intéresse soi dit en passant parce qu’il y en a une soixantaine dans le monde et qu’on ne l’entend guère sur les victimes civiles des autres conflits. Comme elle n’est pas scolarisée, elle emploie peut-être des mots comme « génocide » qu’elle ne comprend pas. Jouer à l’autodidacte expose inévitablement à proférer de sombres âneries. Et puis, dans des cultures où la place des émotions est croissante, les exagérations ne doivent pas surprendre. Disons. Mais que signifie cette formule « Sinwar, nous ne te laisserons pas mourir » qu’elle a beuglée en défilant ? Le chef du Hamas préconisait la disparition d’Israël et l’extermination du peuple juif tout de même. Aucune gêne ? Et en plus, elle n’a pas tenu son engagement envers Sinwar. Menteuse en plus…
Changeons de type de vert avec l’universitaire Andréas Malm. Avec lui, on observe que le savoir n’évite pas la production de théories fumeuses. Le zozo s’est fait connaître par son ouvrage « Comment saboter un pipeline » en attendant peut-être « Comment saboter un autobus en Israël » parce c’est un vétéran de l’antisionisme. Nourri de marxisme et de décolonialisme, son positionnement est somme toute classique, y compris sa joie le 7 octobre. Malm devient intéressant quand il accuse Israël d’être responsable de la crise climatique. En vérité, le militant écologiste peine à dépasser le stade de l’illustration. Les sionistes ont immigré en avion ou en bateau, d’où un bilan carbone lamentable. Ils ont essayé de faire fleurir le désert alors qu’ils auraient dû le laisser tranquille, etc… Les techniques d’irrigation en goutte à goutte qu’Israël a diffusées en Afrique sont disqualifiées : ce sont des bienfaits de la colonisation. Finalement, rien ne distingue vraiment Israël des autres puissances colonisatrices. Dans ces circonstances, pourquoi l’Etat des Juifs est-il plus à blâmer que la France pour les désordres environnementaux ? Sauf à supposer qu’il y a des individus avec un nez crochu qui tirent les ficelles en coulisse, on ne voit pas trop.
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