top of page
Rechercher

VOUS AVEZ DIT FLEXIBLES ?

  • Photo du rédacteur: Philippe Broda
    Philippe Broda
  • 8 sept. 2024
  • 4 min de lecture

L’historien Salo W. Baron s’opposait à une conception « larmoyante » de l’histoire juive. Il considérait que, si les Juifs ont subi de nombreuses persécutions au cours des siècles, ils ont connu également des moments de répit, lesquels ont été permis par des capacités d’adaptation exceptionnelles. Il est utile de se souvenir de cette qualité par les temps qui courent.  


Voici un petit peuple qui prétend qu’il existe un Dieu unique dans l’univers et qu’il existe entre eux une relation particulière. Contre son engagement à respecter les commandements divins, il sera béni. Or, il est vaincu, exilé de sa terre et le magnifique temple dans lequel il rend un culte à sa divinité est détruit. Qui aurait misé un shekel sur sa survie ? Soit ce Dieu n’existait pas, soit il l’avait abandonné. Et, malgré cela, le peuple juif a survécu alors que les grands empires auxquels il a été confronté tout au long de l’histoire, eux, ont disparu. Comment cela a-t-il été possible ? Par une évolution de son système de croyance qui a été initiée par les rabbins. A la place des sacrifices du temple de Jérusalem, les Juifs se sont recentrés sur leur loi. Ils devaient non seulement la respecter mais aussi l’étudier. Elle devint en un sens leur temple portatif. La contrainte était lourde. Entre le premier siècle et le septième siècle de l’ère courante, le nombre de Juifs dans le monde a chuté moins à cause des guerres et des épidémies qu’à la suite d’un phénomène de conversion massive vers une religion proche mais beaucoup moins exigeante, le christianisme. Il n’était pas simple de travailler et d’étudier en parallèle. Cependant, ceux qui sont restés juifs s’étaient dotés d’un cadre de pensée résistant aux vicissitudes de l’histoire.


Cette plasticité se retrouve au niveau géographique. La légende du « Juif errant » s’est nourrie des pérégrinations du peuple juif. Lorsque le climat devenait malsain pour eux quelque part, les Juifs migraient vers des latitudes plus clémentes. Cela ne signifie pas pourtant qu’ils empaquetaient leurs bagages à la première alerte. S’ils avaient vécu paisiblement à un endroit, ils préféraient souvent croire qu’il suffisait de faire le dos rond et que la situation finirait par revenir à la normale. Même en Pologne, ils ont connu un âge d’or sous le roi Casimir III. Partir ou ne pas partir ? Le dilemme n’a jamais été aisé à résoudre. Quelle niveau de violence tolérer avant de s’en aller ? De la casse était inévitable. Le réalisateur Billy Wilder disait à propos des cinéastes juifs d’Allemagne que les optimistes avaient fini à Auschwitz et les pessimistes à Hollywood. Paradoxalement, plus d’une fois, cette mobilité qui a assuré la survie du peuple juif a été subie. Les Juifs étaient expulsés de leur pays d’accueil et, dans certains cas d’ailleurs, ils étaient rappelés très rapidement après. En France, ils furent chassés en 1306 par Philippe le Bel avant d’être autorisés à revenir en 1310, renvoyés encore en 1311 puis rappelés à nouveau en 1315, etc… Il valait mieux ne pas défaire trop vite ses cartons.


Cet exemple atteste que l’agilité juive est susceptible d’être synonyme de réversibilité. C’est vrai sur le plan géographique mais s’applique pareillement à la judéité, à la manière d’être juif. Les rabbins étaient parvenus à la conclusion que les révoltes contre l’occupant romain, qui s’étaient poursuivies après la destruction du Temple, devaient cesser. Ils œuvrèrent en ce sens. D’une fête célébrant une victoire militaire contre les Grecs, Hanoukkah devint prioritairement le miracle d’une fiole d’huile. Ils décrétèrent que, si les Juifs de diaspora étaient autorisés à s’installer en Eretz Israël à titre individuel, un retour collectif était proscrit. C’est Dieu seul qui déciderait de la fin de l’exil. Les courants juifs antisionistes répètent à l’envi un passage du Cantique des Cantiques  « Je vous en conjure, ô filles de Jérusalem, par les biches ou les gazelles des champs : n'éveillez pas, ne provoquez pas l'amour, avant qu'il le veuille ! » Puis au dix-neuvième siècle, avant même la Shoah, d’autres Juifs, les sionistes justement, estimèrent que le coût de la vie en diaspora, la fameuse casse, était trop élevé et qu’il était souhaitable que les Juifs reviennent habiter sur leur terre ancestrale. Beaucoup étaient inspirés par le Printemps des peuples, leur droit à disposer d’eux-mêmes. Bref, marche arrière toute.


Certes, le choc entre les deux perspectives a été violent. Les chefs religieux refusaient de céder le leadership du peuple juif à des laïcs plus ou moins révolutionnaires. La lutte fut également économique. Jusqu’à l’arrivée des sionistes, les Juifs qui résidaient en Palestine étaient des religieux, pauvres, qui vivaient des aides versées par leurs frères de diaspora. Il faudrait désormais partager ces subsides. Après la création de l’Etat d’Israël, David Ben Gourion et le Hazon Hich, sommité religieuse de son temps, se rencontrèrent pour trouver un terrain d’entente entre les deux approches. Rappelons que les travaillistes et les partis religieux gouvernèrent ensemble Israël depuis sa naissance jusqu’à 1977. A l’évidence, aujourd’hui, l’espoir d’un équilibre s’est éloigné. La droitisation des religieux n’est assurément pas la bonne voie. Un homme comme Itamar Ben-Gvir trahit autant les idéaux du sionisme, qui n’ont jamais été de contrôler des peuplades hostiles, que ceux du judaïsme, où le respect d’autrui est primordial. Avec de la bonne volonté, un esprit d’ouverture, et en utilisant la souplesse conceptuelle du peuple juif, nous y arriverons malgré tout mais les bobos telaviviens devront aussi faire des efforts.

 
 
 

Posts récents

Voir tout
SOUS LE TAPIS

Les horreurs perpétrées par les suppôts du nazisme sont régulièrement rappelées, notamment dans un contexte de montée de l’extrême-droite. La  photo en noir et blanc du Juif en pyjama rayé est un des

 
 
 
LA CROISIERE S'AMUSE

La flottille Global Sumud – Sumud, mot arabe signifiant persévérance, résistance afin de marquer son soutien à la lutte palestinienne –...

 
 
 
A DEUX C'EST MIEUX

S’opposant à la réunification allemande, François Mitterrand s’était justifié ainsi : «  J’aime tellement l’Allemagne que j’en souhaite...

 
 
 

Commentaires


bottom of page